Des voix très variées du débat politique — le député UMP Lionel Tardy la Quadrature du Net, Jacques Attali, etc. — se sont élevées pour dire que la loi Hadopi était “inapplicable”. Constat : deux ans après le dépôt du projet de loi “Création et Internet”, le mécanisme de riposte graduée n’est toujours pas… appliqué.
Il y a un an tout juste, le 11 juin 2009, suite à la censure du Conseil Constitutionnel, Christine Albanel, alors ministre de la Culture, déclarait : “Ce qui est sûr c’est que (…) les mails et les courriers recommandés seront envoyés courant de l’automne.”Depuis, les déclarations publiques se sont succédées, et la fameuse date d’envoi des fameux premiers mails d’avertissement toujours repoussée (voir ci-dessous).
L’autorisation de la CNIL en mains, la Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France (SPPF) a annoncé qu’elle saisira la Haute autorité “dans les semaines à venir”. Du côté de la rue Texel, on hésite à laisser passer l’été et attendre septembre pour envoyer “une première salve».
Christine Albanel : “Ce qui est sûr c’est que la volonté de défendre les droits d’auteur elle est intacte, que la Haute Autorité va être créée, que les mails et les courriers recommandés seront envoyés courant de l’automne.”
Frédéric Mitterrand : “Le calendrier d’installation de la Haute autorité ne connaîtra aucun retard et les premiers courriels d’avertissement partiront dès l’automne.”
Frank Riester :« Les e-mails devraient être envoyés avant la fin de l’année »
Ministère de la Culture :L’Hadopi sera « installée en novembre » et devrait être « opérationnelle début 2010».
Frédéric Mitterrand : « l’option basse c’est avril, l’option haute c’est juillet»
Frédéric Mitterrand : «Les premiers mails (….) partiront à la fin du printemps, au début de l’été.
Eric Walter = « les mails partiront bien fin juin“.
Pour embedder l’application complète (990 pixels de large), vous pouvez utiliser le code ci-après :
<object data=”http://owni.fr/hadopi-minitel/index-no-embed.php” type=”text/html” style=”width:990px;height:900px”></object>
Et pour l’embarquer sur tout type de site (460 pixels de large) :
<object data=”http://owni.fr/hadopi-minitel/index.php” type=”text/html” ></object>
Aujourd’hui, ce n’est pas une news qui me fait réagir mais deux. La première est issue de l’excellent billet de Fabrice dont je vous recommande vivement la lecture et qui épingle Orange comme il se doit … mais Fabrice est à mon sens encore trop gentil et nous allons voir pourquoi. La seconde est une décision de justice américaine qui piquote derrière les yeux.
Allez, c’est parti, on commence svp, par visionner cette nouvelle vidéo, suite d’une longue série thématique sur la définition de chacun de la Net Neutrality lancée par l’ARCEP (que je remercie au passage très chaudement pour cette initiative qui n’a pas finit de faire pisser du pixel).
Dernier épisode en date, Stéphane Richard, directeur Général d’Orange, pour qui la Net Neutrality revêt une définition pour le moins assez singulière.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Puis c’est vrai ils sont un peu cons à l’ARCEP, ils parlent d’Internet Neutre alors que chez orange l’Internet il est « ouvert »… mais pas neutre … c’est une spécificité d’Orange, ne cherchez pas à comprendre.
Pour vous la faire courte :
Rappelons que pour être « ouvert et neutre » (au passage si Internet était fermé on appellerait ça un Lan … AOL a essayé … AOL n’existe plus … CQFD) on ne doit pas assister à ce mélange des genres entre FAI qui fournissent les tuyaux et producteurs de contenus… ça aussi, c’est une particularité française, merci Universal/SFR, merci Numericable, merci Orange, et dans une moindre mesure mais il a pas dit son dernier mot … merci Bouygues/TF1…
Sur ce point, Stéphane Richard a raison, l’Internet français est ouvert, mais il est loin d’être neutre, pour la bonne et simple raison que certains FAI sont de véritables rapaces et qu’ils n’ont rien trouvé de mieux que d’imposer leurs propres contenus à leur abonnés « en exclusivité », pour se faire des pépettes.
Maintenant, si vous me demandez si je trouve ça normal … je vous répondrais que non, je trouve ça malsain et honteux, mais encore une fois, le Net français, tu l’aimes ou tu te casses ! Inutile donc de me demander pourquoi ce blog est hébergé en Suède et pourquoi je compte délocaliser à terme tous mes sites.
D’ailleurs, je m’amuse de voir que je ne suis pas le seul et que certains parti politiques en font de même ! Je vous rappellerais donc simplement une petite citation de Benjamin Bayart lors de la table ronde à la Cantine sur la Neutralité du Net :
“Quand 10% de la population a envie de prendre le maquis c’est qu’on commence à vraiment être dans la mouise”
Ce terme de neutralité, Orange ne l’aime pas, c’est d’ailleurs assez explicable, il y a certains signaux qui ne trompent pas. Vous ne voyez pas de quoi je veux parler ? Allez je vous aide …
“En 2010, pour me remercier de mes compétences en matière d’Internet et pour avoir appliqué en bon petit soldat la volonté présidentielle de faire voter un texte inapplicable, qui n’a ni queue ni tête et que je n’ai même pas réussi à faire passer du premier coup, je me vois confier un poste de responsable des contenus chez un grand FAI français, ce, afin de porter une nouvelle fois atteinte au principe de Neutralité du Net”
Qui suis-je ? … Bingo Christine Albanel ! Orange a inventé la Net Neuneutrality® … exception culturelle quand tu nous tiens !
Comment voulez vous qu’un opérateur qui embauche une personne qui a prouvé qu’elle avait non seulement une incompétence manifeste sur ces sujets et qui en plus est à la solde des industries culturelles soit d’accord avec le principe de Net Neutrality ?
Revenons en à l’ami Stéphane Richard qui confesse volontiers ne pas être un spécialiste de l’Internet (là tout de suite comme ça, ma première réaction est de me demander ce que fout ce type à la direction générale du plus important FAI français … pas vous ?).
Notez que le monsieur sur la vidéo n’en ramène pas lourd non plus, “je ne suis pas un ancien dans les réseaux, je suis tout neuf”, comprenez “j’y capte rien moi à Internet, j’ai été embauché pour faire de la thune alors venez pas me gonfler avec votre neutralité”.
Et la thune, je la fais comme je veux, si je veux que mon FAI soit partenaire avec le Figaro, il ne m’apparait pas choquant que tous mes abonnés se voient interdire l’accès à d’autres journaux ou sources d’actualités en ligne… ou alors ils auront le droit mais ce sera payant… faire payer sur son réseau l’accès à une information gratuite sur tous les autres réseaux pour privilégier ses propres contenus, voilà une idée qu’elle est séduisante … bienvenue dans la vie.com avec Orange.
Assez trollé et si vous souhaitez lire des arguments sérieux « contre » la Net Neutrality, ce sont ceux avancés par Alexandre Archambault, responsable des affaires réglementaires chez Iliad, qui contrairement à monsieur Richard connait bien son sujet.
Et encore, après bonne lecture, vous comprendrez que la position d’Alexandre, fort juste, ne va pas tant que ça contre la « bonne intelligence » d’une Net Neutrality responsable, cohérente, où toutes les parties seraient gagnantes, vous verrez en plus que c’est quand même dit avec une autre classe et une réflexion plus poussée que ce que nous sert monsieur Richard…
Toujours suite à cet argumentaire d’Alec, je vous invite ensuite à lire la réponse de Benjamin qui vaut comme d’habitude son pesant de cacahuètes.
Ce qui nous mène au second point de ce billet qui est l’affaire FCC vs Comcast, un opérateur qui s’était fait taper sur les doigts car il s’adonnait à du trafic shaping un peu trop prononcé sur les réseaux P2P. Cette décision en appel n’a évidemment pas non plus échappé à Fabrice.
L’affaire remonte à 2007, la FCC (Federal Communication Commission) qui est l’équivalent de l’ARCEP aux USA avait sommé Comcast, le Orange local, de ne pas s’adonner au filtrage des contenus au nom du principe de Net Neutrality.
Elle gagna le procès contre l’opérateur en première instance marquant ainsi un point en faveur de la Net Neutrality. La cour d’appel fédérale a tranché, la FCC n’a pas le droit d’imposer la Net Neutrality à Comcast.
La décision en appel intervient à un moment particulier, car croyez le ou non, les USA sont un véritable désert numérique… aux USA, ils n’ont pas Free, ils n’ont rien compris.
L’offre plafonne souvent à 5 mégas sur un réseau câblé vieillissant et la FCC lance un plan national en faveur du haut débit.
La FFC comptait bien faire de la Net Neutrality une composante importante de son plan et pour qui connait Internet, on se rend vite compte que non seulement c’est la bonne méthode mais qu’en plus cette Net Neutrality est nécessaire pour qu’un accès au haut débit se fasse dans les meilleures conditions pour tous (et là je pense surtout accord de peering pour les petits opérateurs locaux qui pullulent aux Etats Unis).
Cette décision est fort intéressante, car elle est à mettre en parallèle avec l’action de l’ARCEP dont on sait qu’elle n’a qu’un rôle consultatif … un peu comme une Haute Autorité sans autorité (oh c’est un peu facile … mais oui … comme HADOPI). Sauf que contrairement à HADOPI, l’ARCEP a une utilité réelle et coûte au contribuable 10 à 50 fois moins cher. Si les avis de l’ARCEP sont consultatifs, ils n’en demeurent pas moins souvent fort respectés car guidés par la bonne intelligence, pour le bien commun et pour le bien des réseaux.
Attention, cette décision de la cour d’appel fédérale ne veut cependant pas dire que la Net Neutrality est morte aux USA, cette problématique reste au coeur des préoccupations des internautes américains comme des politiques qui se sont emparés de cette cause, flairant l’importance que ce débat revêt pour une démocratie saine.
Il faut donc s’attendre à de nouveaux rebondissements sur ce dossier très sensible.
]]>Article initialement paru sous le titre “OpenOffice prochainement dans vos Livebox ou l’improbable job de Christine Albanel chez France Telecom”
Voila que je m’absente quelques jours de notre présipauté pour obligations professionnelles et qu’au premier push 3G dans le train je lis un tweet ahurissant de @nitot… Christine Albanel serait sur le point de se recycler… chez France Telecom ! Christine Albanel était attendue à la Bibliothèque Nationale, mais les bouquins tout ça, tant de culture d’un coup … elle n’était pas préparée à ça. C’est Le Figaro qui a lâché le morceau hier, suivit par Le Monde, puis toute la presse… la nouvelle s’est évidemment répandue sur le Net très rapidement, et le moins que l’on puisse dire c’est que ça tire à boulets rouges sur le nouveau boulet d’Orange .
À ma droite, une nouvelle équipe dirigeante pour l’opérateur historique, à ma gauche, Christine Albanel :
De tels services rendus à la Nation valaient bien un petit parachutage, et comme vous le savez tous, Christine était ministre de la Culture comme Homer Simpson est agent de sécurité dans une centrale nucléaire, elle était en fait ministre des Internets, dans le sens Jacques Myard du terme. Bon ok, Christine se serait méchamment fait dégager à l’entretien technique de n’importe quelle hotline de FAI, il fallait donc lui donner un poste à la mesure de ses compétences reconnues, dans la nouvelle équipe de direction de l’opérateur historique.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Je ne m’étais pas posé la question de ce que notre présipaute pouvait nous préparer de pire qu’un Jean Sarkozy à la tête de l’EPAD, mais voilà, ça y est, j’ai la réponse, dur effectivement de ne pas voir planer le spectre de l’Elysée sur cette nomination que nous qualifierons très pudiquement comme une surprise. Car là où il y a de quoi avoir peur, c’est que notre Christine nationale va être en charge des « contenus », toujours selon le Figaro, elle occupera « un poste vaste et important autour de la communication et des contenus« . Comprenez que Christine va faire un stage chez Juniper pour poser des deny sur les sites web de gus pirates nazis pédo anarco violeurs vendeurs de médicaments qui envoient des emails à la chaine pour faire grossir le zizi. Et pourquoi France Telecom alors ? … et bien pour mieux vous préparer le lancement de la grande nouveauté 2010 d’Orange : le minitel en HD compatible iPad et vendu en exclusivité !
« Je veux des nominations irréprochables » © Nicolas Sarkozy (18e seconde)
Cliquer ici pour voir la vidéo.
envoyé par ump.
Billet initialement publié sur Bluetouff’s blog
Photo de une o0bsessed sur Flickr
]]>—
La Grande Bretagne, non contente d’abriter les artistes anti-hadopistes de Coldplay qui ont choisi d’offrir gratuitement [1] le live de leur tournée aux internautes, vient de piller le patrimoine législatif français en téléchargeant illégalement la loi Hadopi. La Brave Patrie a toutefois promptement réagi, et le réseau de pirates est en cours de démantèlement.
La victime n’en est pas à sa première agression, mais le fait que celle-ci soit posthume rend l’acte encore plus écœurant : Christine Albanel vient d’être molestée pour la 4ème fois de suite. Il est scandaleux que dans notre pays, où la sécurité est à l’ordre du jour depuis la révolution démocratique du 6 mai 2007, on puisse encore voir une star de la scène législative française, ayant à peine intégré la Chambre Froide [2] Pour les béotiens ignorant tout de notre Constitution, la Chambre Froide , se faire dépouiller de la sorte.
Pauvre Christine. Agressée à l’Assemblée Nationale par des députés intégristes de gauche cachés derrière des rideaux. Giflée en plein hémicycle du Parlement Européen par Bono, qui marche dans les pas du terroriste Carlos et dont les enquêteurs supposent que le nom d’emprunt a été spécifiquement choisi pour approcher la trop confiante Mme Albanel. Flagellée par le commando extrémiste de gauche regroupé sous le sigle Conseil Constitutionnel, qui l’a achevé, croyait-on dans les hautes sphères médicales spécialisées.
Et bien non : un dernier outrage a été commis sur la dépouille de l’ancienne ministre de la Culture.
Cette fois l’attaque vient de l’étranger. Hors des Frontières de la Brave Patrie se masse un ennemi plus redoutable encore que les 3 derniers militants du PCF, section Hérault, réunis au café des sports de Viuz-la-Chiezaz. Braves Citoyens, les Rosbifs nous volent l’œuvre de toute une vie politique.
Le piratage est avéré. La connexion Internet utilisée provient d’Angleterre, du 10 Downing Street à Londres, et porte la signature de l’ordinateur de Blind G0rd0n Br0wn, un petit délinquant écossais habituellement spécialisé dans la fraude aux notes de frais et reconverti dans le hacking et le piratage sur le net.
Son adresse IP a été aperçue sur eDonkey par la cellule anti-piratage de la Haute Autorité alors qu’il téléchargeait le projet de loi HADOPI dans son ensemble. Un autre délinquant a été identifié, le pirate ayant choisi de ne partager le produit de sa rapine (rester en « seed », disent ces cyber-fripouilles) qu’avec une relation FaceBook, un certain Lord M4nde150n, ministre du Bizness et pilier du collectif travailliste.
Un complice français, Imad L., déjà connu des services de police luxembourgeois pour produire des lignes de code vérolées, est activement recherché. Le forfait prend ainsi des ramifications internationales.
Un autre suspect, « Dédévé la FreeGate », alias « Torrent Domi », est lui aussi pourchassé. Pointure internationale de la falsification de fichiers pirates pour le compte des majors, il était passé chez les h4xors suite à son éviction par le conseiller personnel de Pascal Nègre, Nicolas S.
Par chance, la découverte de ce réseau a permis d’éviter de justesse la propagation illégale et hors de tout contrôle marchand de cette œuvre symbolique du renouveau de la production législative française. Alléluia, les auteurs et détenteurs des droits de la loi ne perdront pas trop de royalties – même en Grande Bretagne, où la lutte est orchestrée par un allié improbable, l’organisation à but non-lucratif Open Rights Group [3].
Cette association avance que 70% des Anglais seraient opposés au principe de la riposte graduée. Le seul acte terroriste recensé dans le cadre de ce piratage est l’utilisation par le FAI britannique Karoo des dispositions de ce florilège de mesures législatives éclairées. Après avoir pris la liberté d’user des directives du texte français avant même une copie privée législative à la sauce anglo-saxonne, le FAI a du faire machine arrière face à la mobilisation des habitants de Kingston-upon-Hull qui ont rejoint le concert de protestations soulevé par le vol dont a été victime la malheureuse Christine.
La menace n’est malheureusement pas totalement écartée : un groupuscule intégriste de gauche radicale infiltré par le Parti Pirate Finlandais, le Parlement Européen, a voté la semaine dernière un amendement Bono au rabais, qui permet la propagation de l’intégrale piratée des œuvres de Christine Albanel sur les réseaux pire2pire législatifs de toute l’Europe.
Côté bravepatriote, on s’interroge en haut lieu sur des complicités venant du ministère de la Culture, ou même du palais de l’Elysée. Jean Sarkozy, charmante tête blonde en échec artistique depuis de nombreuses années, est soupçonné d’être à la source du piratage. Nicolas lui-même s’est résolu à activer le contrôle parental sur les machines de ses enfants, qui n’auront donc plus accès qu’aux différents sites certifiés UMP.
Pour déterminer le vainqueur de la bataille Hadopi, il convient en premier lieu de bien préciser en quoi a consisté cette bataille. Et tout d’abord, que signifie ce nom « Hadopi » ? Loin d’être le théâtre des opérations où l’affrontement s’est déroulé – Hadopi n’est ni Waterloo, ni Austerlitz4 – cet acronyme désigne avant tout la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Une autorité administrative mise en place par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. Une loi elle-même communément appelée « Hadopi ». Censurée une première fois par le Conseil constitutionnel, le gouvernement a proposé dans la foulé un nouveau texte, rapidement surnommé « Hadopi 2 ». Le terme « Hadopi » désigne ainsi le corpus législatif promis par le président Sarkozy le soir de son élection à ses amis des industries du divertissement, présents lors du fameux dîner au Fouquet’s.
Couronnées pendant des décennies de succès économiques, les industries du divertissement connaissent effectivement depuis une dizaine d’années une crise telle que leur survie est remise en cause. L’unique responsable de ce constat serait, selon ces industries, l’accroissement exponentiel du partage d’œuvres sans autorisation sur Internet. Si l’on ne vend plus de disques ou de films, c’est la faute au « piratage » ! Et l’ennemi est désigné : le « pirate ». Parvenu au pouvoir, le président Sarkozy promet aussitôt une loi pour éradiquer cet ennemi afin que puissent à nouveau fleurir les profits de ses amis des industries du divertissement.
L’élaboration de la loi ne fut cependant pas sans encombre. Les lois Hadopi reposent en effet sur le rapport rédigé par une mission ad hoc chargée de légitimer les mesures législatives qui allaient être prises : la mission Olivennes, du nom de son président, Denis Olivennes, alors patron d’un des principaux revendeur de produits de divertissement, fut mise en place dès la fin des vacances estivales, le 5 septembre 2007, et son rapport rendu le 23 novembre 2007. Mais alors que l’adoption de la loi était prévue avant l’été, le projet de loi n’est présenté en Conseil des ministres que le 18 juin 2008. Et si son adoption au Sénat se déroule sans encombre – en deux petites séances seulement, les 29 et 30 octobre 2008 – il faut attendre le 11 mars 2009 pour que le projet de loi soit examiné par les députés, le travail parlementaire étant fortement ralenti en raison de l’inflation législative. Les débats houleux en hémicycle, durant lesquels de courageux députés de tous bords martèlent les arguments juridiques et techniques5 qui finissent par laisser la ministre Albanel et le rapporteur Riester à court de toute réponse, ne s’achèvent que le 2 avril 2009.
Premier véritable camouflet, le 9 avril 2009, les députés de la majorité rechignant à venir voter un texte litigieux, le texte issu de la Commission mixte paritaire – CMP, chargée d’harmoniser les divergences entre les votes du Sénat et de l’Assemblée nationale – est rejeté à la surprise générale. Une disposition de la Constitution est alors dépêchée à la rescousse pour que le texte soit représenté au plus tôt aux députés6, sommés cette fois-ci d’avaliser la loi sans l’amender. Ce qui fut finalement fait le 12 mai 2009. Et le texte définitif fut adopté dans la foulée par le Sénat le 13 mai 2009.
Mais la promulgation de la loi Hadopi devait encore attendre. En effet, le texte est soumis à l’examen du Conseil constitutionnel, qui, le 10 juin 2009, censure tout pouvoir de sanction à Hadopi. En moins de quinze jour, un nouveau projet de loi Hadopi 2, confiant les sanctions à l’autorité judiciaire – réduite à sa plus simple expression, nous y reviendrons –, fut donc élaboré en hâte et présenté en Conseil des ministres le 24 juin 2009 par des ministres nommés la veille. Après une adoption rapide au Sénat durant la seule séance du 9 juillet 2009, le texte est envoyé à l’Assemblée en vue d’une adoption avant la trêve parlementaire. Toutefois, craignant de ne pas bénéficier de majorité à la veille des vacances estivales, le gouvernement renvoie le vote final sur la loi Hadopi 2 au 22 septembre 2009.
Cette fois-ci le Conseil constitutionnel a validé la quasi totalité du texte. Les lois Hadopi peuvent enfin être promulguées. En cela, Nicolas Sarkozy peut en effet s’estimer vainqueur. Il a obtenu – dans la douleur et aux forceps – ce qu’il voulait : une loi réprimant le partage d’œuvres sur Internet !
Mais la bataille sur le plan législatif n’est pas le cœur du sujet. L’arsenal législatif n’est qu’une arme privilégiée par le pouvoir exécutif, en tant qu’initiateur des projets de loi. Certes, une loi existe. Encore faut-il que ses dispositions permettent d’atteindre l’objectif auquel la loi était censée répondre. En l’occurrence : les lois Hadopi permettent-elles d’éradiquer – ou tout au moins, endiguer – les échanges d’œuvres sans autorisation sur Internet ? Et les industries du divertissement gagneront-elles un centime de plus avec l’application de ces lois ?
Sans revenir sur les nombreuses raisons de l’inefficacité technique chronique des lois Hadopi7, force est de constater que la détection d’échange d’œuvres sans autorisation sur Internet – une détection automatique que la loi Hadopi a confié à diverses sociétés de perception de droit (SACEM, SACD, etc) et aux organismes de défense professionnelle – est d’ores et déjà jugée obsolète, les moyens d’y échapper étant d’ores et déjà de notoriété publique.
Mais, c’est surtout l’amputation du principe même de la réponse imaginée par la loi, qui condamne Hadopi à demeurer inopérante. En effet, les échange d’œuvres sans autorisation sur Internet sont une pratique de masse. Pour circonscrire cette pratique de masse, la loi Hadopi proposait une réponse reposant sur des sanctions massives : la fameuse « riposte graduée ». Le stade ultime de cette riposte consistait à suspendre jusqu’à un an la connexion Internet des citoyens présumés coupables, qui auraient auparavant été avertis par courriel, puis lettre recommandée, de la menace pesant sur eux. En confiant à une autorité administrative le soin d’appliquer chaque étape de la riposte graduée – y compris la sanction de suspension de l’accès Internet – la loi Hadopi 1 tentait d’endiguer un phénomène de masse en ne s’encombrant d’aucun obstacle.
Mais il n’a pas échappé au Conseil constitutionnel que ce qui était vu comme obstacles à l’application de sanctions massives ne constituait ni plus ni moins que le respect de droits et libertés fondamentaux : séparation des pouvoirs, droit à un procès équitable, droits de la défense, respect du contradictoire, présomption d’innocence et nécessaire arbitrage entre droit d’auteur et liberté d’expression et de communication. Ainsi sa décision du 10 juin 2009 a porté un coup fatal à l’efficacité de la riposte graduée : les sanctions devant être prononcées par un juge, il n’est plus question qu’elles soient massives.
La loi Hadopi 2 tente bien de limiter ces contraintes en réduisant l’intervention du juge à sa portion congrue : recours aux ordonnances pénales et au juge unique, peine complémentaire de suspension de l’accès Internet et contravention pour « négligence caractérisée ». Mais ces artifices de procédure peuvent – et comment imaginer qu’il en soit autrement devant l’absence de preuve des constats établis par la Hadopi ? – être récusés par le juge et en dernier lieu contestés par le prévenu qui peut demander à bénéficier d’un procès en bonne et due forme.
Et, s’il n’a pas voulu infliger à nouveau une censure cinglante à la loi Hadopi 2, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de rappeler tout au long de sa décision ce rôle central du juge : c’est au juge de décider de la suffisance ou non des éléments de preuves8, de refuser le prononcé d’ordonnances pénales en cas d’incertitude, de prendre en compte toutes les circonstances empêchant éventuellement qu’une peine soit applicable, de décider d’appliquer ou non une peine complémentaire et de contrôler – pour ce qui est des juges du Conseil d’État qui auront à contrôler la légalité des décrets d’application – les éléments pouvant constituer une « négligence caractérisée ».
Enfin la loi Hadopi 2 elle-même souligne le pouvoir d’appréciation du juge, qui « pour prononcer la peine de suspension [de l’accès à Internet] et en déterminer la durée, la juridiction prend en compte les circonstances et la gravité de l’infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment l’activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique. La durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de la propriété intellectuelle et le respect du droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile ».
Ainsi, devant autant d’obstacles à franchir, l’application de sanctions massives devient illusoire et tout espoir d’efficacité de la riposte graduée s’en trouve neutralisé. Et si l’on considère que « Hadopi » désigne le dispositif destiné à endiguer le partage d’œuvres sans autorisation sur Internet, les opposants à la loi sont donc pleinement justifiés lorsqu’ils célèbrent leur victoire.
Qu’une loi promulguée soit en réalité inappliquée – car inapplicable – n’est hélas pas une exception. Il est une autre facette de la bataille dont l’importance semble primordiale – tout au moins pour l’actuel chef de l’État : que l’opinion soit convaincue de la nécessité des mesures instaurées par la loi. Ainsi, Hadopi a constitué – avant tout ? – une bataille idéologique.
La ministre de la culture chargée du projet de loi Hadopi 1 l’avait avoué en hémicycle : « l’important est surtout de créer […] un cadre psychologique qui permettent de juguler le milliard de téléchargements illégaux qui s’effectuent chaque année, essentiellement sur les sites de peer-to-peer ». Et la même ministre de la Culture de l’époque était allée jusqu’à préciser en quoi consistait ce « cadre psychologique » : « J’ai le sentiment que l’on crée, grâce à cette loi, un cadre juridique intéressant, mais aussi un cadre psychologique porteur du message selon lequel les créateurs, les artistes, les cinéastes, les musiciens ont le droit d’être rémunérés pour ce qu’il font. Il est important de dire à tous nos concitoyens, et notamment à tous les jeunes, que, s’il ne leur semble pas très grave de télécharger illégalement tel ou tel morceau de musique, cet acte n’est pas anodin puisqu’il produit des catastrophes en amont dans la profession. ».
Ainsi, le but – fondamental ? – d’Hadopi aurait été de convaincre l’opinion publique du bien-fondé du postulat, émis par les industries du divertissement et avalisé par le président de la République, à l’origine des lois Hadopi : les échanges d’œuvres sans autorisation sur Internet seraient responsables de la crise des industries du divertissement et il serait impératif de lutter contre cette pratique. Sur ce plan, il est assez simple de déterminer qui a remporté et qui a perdu la bataille : il suffit de constater si le message est passé ou non.
Les instruments traditionnels de mesure de l’opinion que sont les sondages n’ont pas été nombreux sur le sujet – peut-être parce que les commanditaires habituels des sondages se situent plus du côté des promoteurs d’Hadopi et que les résultats d’enquête d’opinion auraient été contraires à leurs intérêts ? Cependant les quelques enquêtes ayant mesuré l’impact d’Hadopi sur l’opinion sont sans appel. Ainsi, un sondage pour 01.net réalisé le 3 mars 2009 auprès de 10000 internautes indique notamment qu’à une très large majorité la loi Hadopi est jugée totalement inacceptable, que les avertissements envoyés par courriel n’ont pas d’incidence sur les habitudes de téléchargement, qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des sanctions pour lutter massivement contre le « téléchargement illégal » et que ce dernier n’est absolument pas la principale cause du déclin du marché du disque9. De même, selon un sondage réalisé par BVA pour BFM et La Tribune, les 12 et 13 juin 2009, auprès d’un échantillon de 1.006 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus10, 60% des Français approuvent la censure de la loi Hadopi 1 par le Conseil constitutionnel.
Il est encore plus révélateur de considérer l’impact médiatique des opinions sur la bataille Hadopi. Alors que les moyens mis en œuvre par Nicolas Sarkozy et son gouvernement pour influencer l’opinion publique étaient conséquents, ce sont les critiques et les doutes sur les lois Hadopi qui ont trouvé le meilleur écho dans la presse. Chaque prise de parole contre Hadopi a été abondamment relayée11. Les divers revers des lois Hadopi — le rejet du texte de la CMP par les députés, la censure du Conseil constitutionnel ou les votes à répétition du Parlement européen d’un amendement condamnant la riposte graduée – ont fait les unes des quotidiens, journaux télévisés et radiophoniques.
À l’inverse, le site de propagande mis en place par le ministère de la Culture a davantage fait parler de lui lorsqu’il a dû être coupé suite à des attaques informatiques12 ou lorsque son principal objet – une pétition de soit-disant 10000 artistes soutenant le projet de loi – a été démonté13. Et la communication officielle du ministère de la Culture s’est surtout illustrée dans la presse ou sur Internet par les railleries sur ses maladresses, par exemple lorsque qu’une dépêche AFP a tenté de décrédibiliser les opposants de la Quadrature du Net en les qualifiant de « cinq gus dans un garage », ou quand la ministre de la Culture a étalé son incompétence technique en évoquant les « pare-feux d’OpenOffice », etc. Alors que les opposants à Hadopi ont multiplié les créations originales en tout genre14 pour soutenir dans le fond et la forme leurs points de vue.
De même, pressentant l’incompatibilité des lois Hadopi avec les engagements communautaires de la France, les industries du divertissement et le président Sarkozy ont tenté d’introduire une légalisation de leurs plans au niveau de l’Union européenne. Bien mal leur en a pris, puisque le Parlement européen a, par cinq fois, affirmé sa ferme opposition à une régulation d’Internet mettant à mal les droits et libertés fondamentaux. Ce que la presse n’a d’ailleurs pas manqué de relayer.
Au-delà, l’échec le plus patent sur le plan idéologique des promoteurs d’Hadopi est sans doute l’émergence dans le débat public de propositions constructives imaginant des financements alternatifs pour les biens culturels en ligne15. Preuve que le message selon lequel les sanctions des lois Hadopi seraient indispensables pour financer la création n’est pas passé.
Bref, la bataille médiatique et idéologique a sans conteste été remportée par les opposants à Hadopi. Et le lancement du livre « La bataille Hadopi » au Fouquet’s le 29 octobre 2009 vient clôturer en pied de nez leur victoire dans cette bataille.
Ainsi, après analyse, le seul point où les partisans d’Hadopi – et en premier chef, le président Sarkozy – n’ont pas connu de défaite, est d’avoir obtenu une loi – et même deux ! Maigre consolation qui cache le fait que les objectifs initiaux de cette loi ont été neutralisés et que la véritable victoire appartient bel et bien aux opposants.
Il serait cependant réducteur de conclure que les lois Hadopi n’auraient rien changé, ni que la bataille Hadopi n’occasionnerait aucun dommage collatéral. Car ce qui a été mis en lumière durant cette bataille est particulièrement préoccupant quant aux principes fondamentaux de l’État de droit.
On a pu en effet observer durant cette bataille Hadopi que la loi pouvait servir de prétexte à un chef d’État capricieux, dédaigneux de toute opinion contraire. Qu’importe que de telles opinions proviennent des autorités de référence du domaine telles que l’ARCEP et la CNIL ou de représentants des citoyens comme le Parlement européen. Qu’importe si le prix à payer est le sacrifice de principes constitutionnels tels que la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression et de communication ou la présomption d’innocence. Le chef de l’État insiste à tout prix pour obtenir l’objet de ses caprices.
Le pire, c’est que ces caprices révèlent en creux une volonté qui est loin d’être innocente : celle d’affaiblir ou d’asservir tout contre-pouvoir à l’omnipotence présidentielle. Pour l’Élysée, l’espace d’expression que constitue Internet doit coûte que coûte être muselé. Le pouvoir législatif doit suivre scrupuleusement les instructions de l’exécutif. L’autorité judiciaire doit être contournée par tous les moyens…
Au final, le risque est grand que la Loi – avec une majuscule et pas seulement les minuscules lois Hadopi – soit décrédibilisée. Certes, il est probable qu’en l’occurrence nul juge n’applique jamais la peine de suspension de l’accès Internet sur la base des accusations de l’Hadopi. Mais que penser lorsque l’on peut, après des siècles de civilisation, réintroduire dans le droit les principes ancestraux du Talion: qui a volé par la main gauche se verra couper la main gauche, qui a « volé »16 par Internet se verra couper Internet ? De même, il est vraisemblable qu’aucune condamnation ne soit prononcée pour contrefaçon ou « négligence caractérisée » par le biais d’ordonnances pénales, puisque celles-ci pourront être contestées par le Parquet, le juge ou le prévenu. Mais comment comprendre qu’on puisse trouver légitime d’appliquer une justice expéditive à tout délit, simplement au vu de l’ampleur quantitative des infractions ?
Ainsi, malgré l’inapplicabilité des lois qui en ont découlé, il faudra retenir de la bataille Hadopi qu’elle aura été le théâtre d’un recul de l’État de droit. Ce recul se poursuivra-t-il jusqu’à la bascule ? Ou parviendra-t-on à inverser le mouvement ? Rendez-vous aux prochaines batailles !
]]>Cette après midi, twitter et l’Internet s’enflammaient. On apprenait que le conseil constitutionnel venait de dire non, à son tour à la deuxième loi en “i” : l’Hadopi. Lesréactions n’ont pas tardé.
Et au fait, on a gagné quoi ?
Si on lit un peu tout, de toutes obédiences, de toutes couleurs, on ne peut pas dire que l’avis du Conseil Constitutionnel soit un plébiscite de l’action du Ministère de Madame Albanel et de ses (mauvais) conseillers : Le Figaro, Ecrans.fr, Le Monde (qui comme moi semble plus “tempéré”), Numerama, PcInpact, …
Les commentaires des courageux, des vrais (Tardy par exemple), font chaud à lire. D’autres s’expriment fort, mais c’est normal, vu le travail qu’ils ont accomplis, d’autres sortent du bois, alors qu’ils étaient bien silencieux au plus fort de la tempête … tout cela n’est pas bien grave.
(NDLR: mise à jour 11 juin 2009) En tous les cas, toute cela laisse quand même un immense sentiment de gâchis. Autant de temps, d’intelligence, d’énergie, mobilisés pour au final un résultat bien maigre qui ne profitera pas à ceux qui étaient censés être défendus (les artistes). Allons un peu plus loin et voyons ce que l’éco-système a gagné / perdu :
Beaucoup de monde nous regarde.
Tout ce débat prouve que nos institutions fonctionnent et qu’il y a des gens debout ici, pour défendre leurs opinions et leur sens du bien public.
C’est le plus important après tout !
Article paru à l’orignine sur le blog de Jean-Michel Planche
]]>image http://jaffiche.fr/ et son http://funzz.fr/ /-)