OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 FaDet: la justice est moins importante que le fisc http://owni.fr/2010/12/23/fadet-la-justice-est-moins-importante-que-le-fisc/ http://owni.fr/2010/12/23/fadet-la-justice-est-moins-importante-que-le-fisc/#comments Thu, 23 Dec 2010 07:30:33 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=39885 Le Canard Enchaîné révélait récemment que le fisc et le gendarme de la Bourse se gavaient eux aussi de factures détaillées. OWNI.fr avait d’ailleurs publié les documents prouvant les révélations du Canard Enchaîné, et expliqué comment le fisc, via un “cavalier parlementaire” (disposition sans rapport avec le projet auquel il se rattache) adopté lors de la loi de finances rectificatives (LFR) de 2008, s’était arrogé un tel droit de communication aux détails de nos télécommunications.

Le 9 décembre dernier, profitant de la loi de finances rectificatives pour 2010, le député UMP Lionel Tardy a défendu un amendement, cosigné par 13 autres députés UMP, visant à n’autoriser le fisc à accéder aux factures détaillées qu’”après accord du juge“, au motif qu’en l’état, “cette demande se fait sans le moindre contrôle de la nécessité et sans justification des services fiscaux, alors qu’il s’agit de données personnelles” :

Il convient donc d’encadrer cette pratique, afin qu’un tiers extérieur contrôle la nécessité de porter atteinte de cette manière à un élément important de la vie privée. La lutte contre la fraude fiscale est importante, mais ne doit pas générer des atteintes injustifiées à la protection de la vie privée.

En séance, Lionel Tardy attira l’attention de l’Assemblée “sur le fait qu’un certain nombre de dispositions figurant dans divers codes risquent fortement la censure constitutionnelle par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC, ndlr). Il serait sans doute bon que nous nous penchions davantage sur ces fragilités de notre droit afin d’y porter remède spontanément, sans attendre la censure” :

L’article L. 96 G du livre des procédures fiscales permet aux agents de l’administration fiscale de réclamer directement aux opérateurs de téléphonie les factures détaillées de leurs clients. Cette demande se fait sans le moindre contrôle et sans justification des services fiscaux. Ce pouvoir de l’administration est manifestement excessif et porte atteinte à un certain nombre de libertés, au premier rang desquelles figure la vie privée.

Si nous ne faisons rien, une question prioritaire de constitutionnalité finira bien par être posée par une personne qui contestera l’utilisation que l’administration fiscale fait de ces factures détaillées. Je propose donc de maintenir pour l’administration la possibilité de demander des factures détaillées, mais en y mettant le filtre du juge.

La réponse de François Baroin, ministre du Budget, des Comptes publics, de la Fonction publique, de la Réforme de l’État, et porte-parole du Gouvernement, fut cinglante : “Il ne faut pas tout confondre, monsieur Tardy : d’une part, les sujets d’actualité qui agitent tel ou tel média à propos de l’exploitation des factures détaillées et, d’autre part, la stricte application du droit pour permettre à l’administration fiscale d’exercer ses missions régaliennes” :

Quand l’administration fiscale obtient des résultats, tout le monde se porte mieux et tout cela est bien accepté. La situation est encadrée, aucune question ne se pose : l’article L. 96 G du livre des procédures fiscales permet de vérifier divers éléments déclaratifs du contribuable.

Les agents au service de l’État, des hommes et des femmes rigoureux, appliquent le droit, pas simplement pour faire rentrer de l’argent dans les caisses, mais pour faire respecter ce juste équilibre entre le caractère déclaratif, l’effort de contribution pour participer au financement du bien public et le nécessaire contrôle, car il n’y a pas de confiance sans contrôle. Je crois, monsieur Tardy, que vous êtes allé un peu loin dans votre élan.

Et l’amendement fut rejeté. Dit autrement, pour le gouvernement, le contrôle, par la justice, d’une atteinte aux libertés, est moins importante qu’un contrôle fiscal. L’échange, en vidéo, suivi de l’interview qu’il a bien voulu nous accorder :

OWNI : Pourquoi pensez-vous que l’article L.96G du livre des procédures fiscales puisse être déclaré anticonstitutionnel ?

Lionel Tardy : Cet article permet à l’administration fiscale de récupérer, sur simple demande, les factures téléphoniques détaillées. C’est une atteinte manifeste au droit à la vie privée, constitutionnellement protégé.

Le Conseil constitutionnel admet que l’on puisse porter atteinte à des droits constitutionnels, si c’est pour en faire valoir d’autres. Il passe en fait son temps à concilier l’exercice de droits constitutionnels.

Dans notre cas, face au respect de la vie privée, on trouve l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude.

Les factures téléphoniques détaillées peuvent être très utiles pour lutter contre la fraude fiscale, notamment en ce qui concerne l’évasion fiscale et les domiciliations fiscales à l’étranger. Le problème n’est donc pas la possibilité de l’accès aux factures détaillées pour les services fiscaux, mais les conditions de cet accès.

La faiblesse que j’ai soulignée, c’est l’absence totale de contrôle de la légitimité et de la justification des demandes de l’administration fiscale. Actuellement, le fisc demande ce qu’il veut, sans passer par aucun filtre et sans justifier sa demande. Mon amendement soulevait la question en proposant d’instaurer un contrôle de la justification des demandes de l’administration fiscale.

À mon avis, mais je peux me tromper, il y a un déséquilibre qui pourrait être sanctionné par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, où un contribuable condamné pour fraude fiscale contesterait la validité de la preuve basée sur l’analyse de ses factures téléphoniques.

OWNI : Le Conseil constitutionnel n’avait pas été saisi de cet article, lors de la saisine parlementaire de la loi de finances rectificatives de 2008 : votre proposition d’amendement correspond-elle à une prise de conscience des atteintes grandissantes à la vie privée, et/ou au fait que personne n’en avait à l’époque mesuré la portée ?

Lionel Tardy : À mon avis, personne n’avait vu le problème en 2008. Les lois de finances rectificatives sont remplies de petites dispositions, et malheureusement, les députés survolent cela, puisque l’examen de la LFR a lieu mi-décembre. Cette année, pour la dernière séance d’examen des amendements, il n’y avait qu’un seul député d’opposition présent, Pierre-Alain Muet, rejoint vers 23 heures par Jean-Pierre Brard. C’est l’idéal pour que le gouvernement fasse passer ce qu’il veut.

OWNI : En prononçant un avis défavorable à votre amendement, François Baroin a déclaré qu’“il n’y a pas de confiance sans contrôle”, mais il parlait de contrôle fiscal, pas du contrôle d’un juge… Comment expliquez-vous que le gouvernement autorise le fisc à se permettre quelque chose que la police ne peut pas se permettre ?

Lionel Tardy : Le ministre a lu la réponse que lui a écrit son administration ! Évidemment que le fisc n’est pas favorable à ce qu’on limite son pouvoir et sa capacité à demander des factures téléphoniques détaillées. La protection de la vie privée n’est pas de son ressort, c’est même sans doute un obstacle aux contrôles.

C’est à nous, politiques, d’avoir une vision globale d’un sujet et de réaliser les équilibres entre des demandes contradictoires. Malheureusement, une fois de plus, un ministre s’est transformé en porte-parole des intérêts de son département ministériel. Et comme l’avis du ministre a un poids important sur les votes…

OWNI : Que pensez-vous de l’analyse du Canard Enchaîné, pour qui les textes de lois avancés par l’administration fiscale pour accéder aux FaDet ne sont qu’une manière illégale de contourner la loi sur les écoutes ?

Je n’irais pas jusque-là. Les FaDet ne permettent pas d’avoir accès au contenu des conversations. On a juste la date, l’heure, la durée, le numéro appelé, et éventuellement la localisation. Certes, c’est déjà une intrusion dans la vie privée des gens, mais ce n’est pas à mettre sur le même plan que les écoutes téléphoniques.

OWNI : Votre amendement n’a été cosigné que par des députés UMP : était-ce volontaire de votre part, ou bien parce que les députés socialistes ne vous suivent pas sur ce terrain ?

Lionel Tardy : Je n’ai pas soumis cet amendement à la cosignature des députés d’opposition. C’est d’ailleurs très rare que je le fasse, et à l’inverse, c’est aussi très rare que des députés d’opposition demandent à des députés de la majorité de cosigner leurs amendements.

Je pense que les députés socialistes peuvent me suivre, mais lors du débat en séance sur cet amendement, il n’y en avait qu’un dans l’hémicycle ! Il ne pouvait pas réagir sur tout.

Je n’abandonne pas le sujet. Cet amendement était une sorte de sonde lancée, pour alerter, mettre le sujet sur la table, et plus globalement, attirer l’attention sur la nécessité de vérifier la solidité constitutionnelle des lois. La QPC a commencé à faire des ravages, il faudrait peut-être s’en préoccuper en amont, plutôt que d’attendre les censures du Conseil constitutionnel.

NB : Lionel Tardy fait partie des trois députés UMP qui se sont abstenus de voter pour la Loppsi 2, une position qui “exprime mon scepticisme et mes réserves sur le durcissement répressif, sur les coups de canif régulièrement portés aux libertés publiques, sous la pression de certains élus UMP dont je désapprouve clairement les positions sécuritaires ! Je suis un libéral, économiquement, mais aussi politiquement. J’ai exprimé, sur différents textes (notamment le projet de loi sur l’immigration) mon attachement au respect des libertés publiques.”

Illustration : Telephone CC HEFU

Image de une : Louison pour OWNI (CC)

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Loppsi: avec ou sans juge ? http://owni.fr/2010/12/17/loppsi-avec-ou-sans-juge/ http://owni.fr/2010/12/17/loppsi-avec-ou-sans-juge/#comments Fri, 17 Dec 2010 19:40:24 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=39429 C’est sur un hémicycle désert (9 UMP, 5 gauche, 1 centre), que s’est ouvert avant-hier soir le débat sur l’article 4 de la Loppsi, qui instaure le blocage des sites présentant des “images ou représentations de mineurs à caractère pornographique”. Pointé pour son caractère inefficace et potentiellement dangereux, il s’est vu la cible d’une vingtaine d’amendements, dont la totalité, a été écartée.

Malgré la bonne volonté de Brice Hortefeux, qui a honoré la séance de sa présence, le temps n’était ni à l’écoute, ni, a fortiori, aux renversements de position. La discussion menée autour de l’article 4 a en effet été dominée par le va-et-vient incessant des mêmes recours rhétoriques, pour finalement aboutir à une version inchangée, qui ne fait mention ni du juge, ni de la Cnil, ni même d’un droit de regard du Parlement.

Dialogue de sourds

Du côté des irréductibles, “seuls trois députés ont parlé”, résume Laure de la Raudière. Les voix de Lionel Tardy (UMP) et Patrick Bloche (PS) sont venus en soutien aux prises de paroles répétées de la député de la majorité. Ces derniers ont de nouveau fait valoir l’inefficacité d’un dispositif de blocage dans le cas de contenu pédopornographique, “sur lequel on ne bascule pas en un clic”, a répété Lionel Tardy. Difficilement accessibles sur le web, voire même introuvables -car privilégiant le protocole peer-to-peer-, ces contenus risquent avant tout de se terrer un peu davantage dans le réseau sous l’effet de la Loppsi. Différents procédés, comme “le cryptage, ou l’anonymisation”, a rappelé Patrick Bloche, peuvent en effet facilement être mobilisés. Car, comme l’a avancé Lionel Tardy:

La population visée par la Loppsi, comme dans le cas de l’Hadopi, trouvera les moyens de contourner les mesures. Donc la loi n’apportera rien.

Pis, si le dispositif de filtrage est inefficace, aucune information précise n’a été donnée sur la technologie envisagée par le projet de loi. A trois reprises, Laure de la Raudière a tenté d’en savoir davantage en interpelant directement le ministre de l’Intérieur, qui s’est contenté de la renvoyer au décret à venir.

Mais quelque soient les solutions préconisées, celles-ci seront soit “inefficaces par rapport au but recherché”, dans le cas d’un blocage au niveau de l’adresse IP, soit “contraires à l’article 11 de la Constitution”, protecteur des libertés individuelles, dans le cas d’une dispositif placé en cœur de réseau, a plaidé la député.

Juge: aller, retour ?

Interrogée par Owni, Laure de la Raudière a également déclaré estimer “absolument essentielle” la présence d’un juge à chaque fois qu’une décision de blocage de sites Internet se présente. Mais une fois encore, ce point a été balayé d’un revers de main par le rapporteur du projet et Brice Hortefeux. Exprimant leur incompréhension face à une volée d’amendements visant un article “protecteur des internautes”, ils ont accusé les réfractaires au projet de voir le “malaise partout”, reconnaissant dans un même temps l’imperfection de l’article 4. “Il faut tenter toutes les solutions, même si elles sont imparfaites”, a ainsi lancé le gouvernement, creusant ainsi davantage l’incompréhension entre les deux camps.

Il faut éviter les faux-procès. Il y a un objectif: lutter contre la pédopornographie. En aucun cas restreindre Internet.
Eric Ciotti, rapporteur du projet à l’Assemblée Nationale.

Un véritable dialogue de sourds, qui a terriblement exaspéré les réfractaires à l’article 4, en particulier du côté de la majorité. En pleine séance, Lionel Tardy a lancé un rageur:

Encore une fois, on a tout faux.

Si elle avoue sa colère au moment des discussions, Laure de la Raudière relève pour sa part la connaissance limitée de ses collègues en matière numérique, rejetant l’idée que les députés aient pu sciemment adopter cet article pour bloquer davantage que le contenu pédopornographique. “Ils ne maîtrisent pas le sujet et ils écoutent le gouvernement et le rapporteur, ce qui semble normal. Mais j’ai bon espoir de les voir monter en compétences”, explique la député, qui précise réfléchir à l’organisation d’une journée au sein de l’Assemblée, consacrée au fonctionnement du réseau.

Moins loquace sur l’avenir de l’article 4, la député concède néanmoins que “les députés PS ont de nombreux arguments pour déferrer le projet de loi devant le Conseil Constitutionnel, au-delà de l’article 4.” Une intuition validée par les socialistes, pour qui l’adoption de l’article 4 sans juge est particulièrement inquiétante. “A partir du moment où le mécanisme existe et qu’il part du ministère de l’Intérieur, ça rend le filtrage d’autres sites possible”, dit-on du côté du parti, qui confirme vouloir déférer la loi devant le Conseil Constitutionnel, dès que celle-ci sera votée.

Sur le sujet, on en profite du côté du PS pour s’émouvoir du récent revirement de position de l’Élysée. Selon les propos rapportés par certains blogueurs conviés hier au palais, Nicolas Sarkozy aurait en effet considéré la possibilité de réintroduire le juge dans l’article 4. Badinages de circonstance ou réelle déclaration d’intention ? Les opposants au projet déclarent qu’ils suivront avec intérêt la suite des aventures de la Loppsi, manifestement loin d’être bouclées.


Retrouvez le compte-rendu de la séance du 15 décembre sur le site de l’Assemblée Nationale

Illustration CC: steakpinball

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La sénatrice Virginie Klès : “Le blocage de sites est inefficace et dangereux” http://owni.fr/2010/09/08/la-senatrice-virginie-kles-le-blocage-est-inefficace-et-dangereux/ http://owni.fr/2010/09/08/la-senatrice-virginie-kles-le-blocage-est-inefficace-et-dangereux/#comments Wed, 08 Sep 2010 08:45:24 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=27432 Cette semaine, le Sénat va examiner l’article 4 du projet de loi Loppsi (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure). Ce dernier contraint les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) à empêcher “sans délai” l’accès à des contenus à caractère pédo-pornographique aux internautes français.

La liste noire des “adresses électroniques” à bloquer leur sera notifiée par une autorité administrative. En février, l’Assemblée nationale a adopté un sous-amendement [PDF] du député Lionel Tardy (UMP) demandant l’accord préalable de l’autorité judiciaire. Une condition supprimée en juin dernier par la Commission des Lois du Sénat. Plusieurs sénateurs ont déposé des amendements – 199, 84, 89, 309 — visant à réintroduire l’accord préalable du juge.

De son côté, la sénatrice Virginie Klès, apparentée au groupe socialiste, réclame la suppression totale de l’article. Nous l’avons interrogé sur les motifs de son amendement.

Pourquoi avoir déposé cet amendement ?

Virginie Klès : J’aimerais qu’on soit efficace en matière de lutte contre la pédo-pornographie. Réellement efficace. Aujourd’hui le blocage est inefficace et dangereux. Il ne va strictement rien apporter et coûter cher. Si on a de l’argent à dépenser sur ce sujet, il faut aider la police et la gendarmerie qui luttent contre ce genre de délinquance infâme et réclament des moyens. Avec le blocage, on va entraver leur action, alors qu’ils peinent aujourd’hui à remonter les utilisateurs et les auteurs de ces infractions. Ils n’ont pas besoin de système de blocage.

Que l’État nous dise combien ils sont disposés à mettre, et utiliser ces moyens pour augmenter la coopération internationale car les hébergeurs sont souvent à l’étranger, par exemple en Russie. Et pour lutter contre le monde occulte de la mauvaise finance : le blanchiment d’argent, les banques qui en tirent des bénéfices etc. Il faut taper là où ça fait mal.

En quoi le blocage est-il, selon vous, inefficace et dangereux ?

Les professionnels qui luttent contre la pédo-pornographie expliquent que c’est comme si vous vouliez arrêter des avions en plein vol avec des barrages de voitures en espérant qu’ils vont passer par là. Et tous les experts le disent, aucun système de blocage n’est incontournable. La mafia qui est derrière la pédo-pornographie s’attend depuis longtemps à être filtrée, et elle a déjà massivement mis en place des réseaux parallèles avec des passerelles très éphémères qu’on ne bloquera jamais. Ils utilisent par exemple des virus Trojan et des ordinateurs zombies, qui font que des gens comme vous et moi peuvent sans le savoir héberger ces Trojan qui, apportés souvent sous forme de spam, sont des passerelles ou des éléments importants des réseaux parallèles.

C’est comme si vous vouliez arrêter des avions en plein vol avec des barrages de voitures en espérant qu’ils vont passer par là.

Les consommateurs invétérés utilisent ces passerelles, sans forcement savoir explicitement qu’ils le font. Ils suivent des chemins complexes, avec des moyens de paiement anonymes et spécifiques, pour arriver à leurs fins. Alors que c’est moins compliqué, mais plus risqué, de passer par des sites plus vieillots ou “amateurs” qui utilisent encore les techniques classiques de l’e-commerce. Ce sont ces derniers, qui ne représentent qu’une minorité des consommateurs, que les forces de police n’interpelleraient plus s’ils ne peuvent plus les tracer avec les blocages des sites. Les autres, beaucoup plus nombreux, ne seront en rien gênés par le blocage, puisqu’ils vont ailleurs. Et il y a un risque que, suite à Hadopi, les jeunes aillent également utiliser des réseaux parallèles et soient mêlés à ce type de délinquance.

Le premier objectif annoncé dans l’étude d’impact (pdf) est de “prévenir l’accès involontaire” des internautes à ce type de contenus…

On ne tombe pas aujourd’hui par hasard sur un site pédo-pornographique. C’est un faux message. Au lieu de faire de grandes déclarations, on ferait mieux d’éduquer les gens sur la mise à jour de leur logiciel de contrôle parental, et de leur pare-feu et anti-virus pour éviter que leur ordinateur soit infecté et utilisé comme ordinateur zombie. Et arrêtons de leur mentir sur le fonctionnement de ces sites. Il faut continuer à former les gens au magnifique outil qu’est Internet, mais aussi à ses dangers.

Dans l’objet de votre amendement, vous parlez également des coûts pour les FAI et des risques de surblocage…

Technologiquement, ces systèmes de filtrage sont une vraie usine à gaz. Le réseau en France n’est pas le même qu’au Royaume-Uni [où il y existe système de filtrage d'url basé sur le volontariat des FAI, ndlr]. Et c’est différent selon les FAI, il faut adapter un système à chaque type de réseau. Si l’on veut que les FAI bloquent des contenus, il faut les laisser choisir le système de filtrage.

Le gouvernement a également oublié de chiffrer les indemnisations qui vont être liées au surblocage. Car quel que soit le système de filtrage, le surblocage est inévitable. Et il va y avoir des demandes justifiées d’indemnisation. Ça, personne ne l’a chiffré. On marche sur la tête. On communique très fort sur ce sujet car il est difficile de se positionner contre. Cela n’est pas un message facile à porter que de dire «je suis contre le filtrage de sites pédo-pornographiques». Mais le politique a une responsabilité. L’argent public doit être utilisé efficacement, pas pour un tel écran de fumée.

L’argent public doit être utilisé efficacement, pas pour un tel écran de fumée.

Pourtant vous êtes la seule sénatrice à demander la suppression de cet article…

Il faut dire que c’est un dossier un peu complexe car il faut avoir lu un certain nombre de choses, pas seulement l’étude d’impact et les arguments des FAI. Je suis maman avant d’être maire ou sénatrice, et j’ai été beaucoup confrontée à l’enfance martyrisée. Je me suis donc concentrée sur le sujet, et tout l’été j’ai lu beaucoup de choses pour être convaincue de la décision que je prendrais. Et j’espère qu’un certain nombre vont me suivre.

Si votre amendement n’est pas adopté, restera le débat autour de l’autorité judiciaire. Qu’en pensez-vous ?

De toute façon, il faut l’autorité judiciaire. C’est un moindre mal et il faut l’imposer, quitte à ce que soit en référé pour aller plus vite. Il ne faut surtout pas laisser ça à la seule autorité administrative. Cela sera toujours aussi inefficace, mais on aura au moins sauvegardé une liberté publique.

Pensez-vous que la lutte contre la pédo-pornographie soit une porte d’entrée pour généraliser le filtrage d’Internet à d’autres contenus ?

Cela n’est pas impossible. Il y a un risque, à moyen terme, pour les libertés publiques.

CC JohnConnell

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Communication politique: je twitte donc je suis transparent http://owni.fr/2010/07/20/communication-politique-je-twitte-donc-je-suis-transparent/ http://owni.fr/2010/07/20/communication-politique-je-twitte-donc-je-suis-transparent/#comments Tue, 20 Jul 2010 09:03:57 +0000 Olivier Cimelière http://owni.fr/?p=22407 C’est le dernier truc en vogue chez certaines personnalités politiques : raconter en « live » les coulisses d’une réunion à ses « followers ». En twittant à tire-larigot, ces « chroniqueurs » numériques d’un nouveau genre ont érigé le principe de transparence comme moteur de leur action. Diffuser ce qui n’était pas initialement censé sur retrouver sur la place publique, devient leur geste de bravoure au nom de la démocratie et des citoyens. Et si pourtant on tournait sept fois son clavier dans sa main avant de tweeter ? La question n’est pas si anodine.

Dans un univers où tant de mensonges et de bluff cosmétique faussent les relations et opacifient les décisions, comment effectivement ne pas applaudir des deux mains à la tentation de la transparence dont d’aucuns se font les chantres ? Comment ne pas célébrer en effet Twitter qui permet de se glisser dans les interstices et de savoir ce qui se passe véritablement ? Ces dernières années, la transparence est devenue la vertu qu’on exige et qu’on revendique. En cela, la Toile et ses gènes 2.0 ont largement permis de contourner et d’ébrécher les chapes de silence que des décideurs politiques s’ingéniaient à échafauder.

La transparence est effectivement vertu. Souvenez-vous par exemple de la fameuse « glasnost » (qui signifie précisément en russe « transparence ») prônée par Mikhaïl Gorbatchev dès 1985 dans le cadre de sa politique de restructuration économique ? L’ouverture des archives longtemps dissimulées, la libération de la parole et la circulation des informations ont ainsi permis de démanteler un régime soviétique totalitaire et propagandiste qui masquait volontiers des pans entiers de la réalité sociale et économique du pays.

Moins révolutionnaire mais tout aussi révélatrice est la transparence que la Suède a érigé en principe fondateur de l’État depuis 1766. Là-bas, tout citoyen a la possibilité d’accéder aux informations concernant les actes passés et présents des pouvoirs publics. Au pays des Vikings, il est hors de question de badiner avec la probité des décideurs politiques et de les laisser se cacher. Chacun doit pouvoir savoir et agir en connaissance de cause si nécessaire. Ainsi, deux ministres en ont-elles fait l’amère expérience en octobre 2006. Respectivement nommées ministres du Commerce et de la Culture, Maria Borelius et Cecilia Stegö Chilo, ont dû rendre leur tablier ministériel quelques jours plus tard à la suite de révélations. La première n’avait pas déclaré au fisc la baby-sitter de ses enfants et la seconde n’avait pas payé la redevance audiovisuelle. On connaît d’autres pays où les rangs ministériels se seraient probablement encore plus vite dépeuplés si pareil principe drastique était appliqué stricto sensu !

Transparence, vous avez dit transparence ?

Les politiques se sont vite emparés du phénomène Twitter

En France, quelques politiques se sont récemment convertis au jeu tous azimuts de la transparence en direct. Parmi les plus connus et assidus, on peut citer pêle-mêle Nathalie Kosciusko-Morizet (secrétaire d’État à l’Économie Numérique), Laurent Wauquiez (secrétaire d’État à l’Emploi) ou encore le député européen PS, Benoît Hamon. Tous diffusent régulièrement sur leur fil personnel Twitter, l’agenda de leurs activités ou leurs impressions du moment.

Pour ces adeptes du gazouillis digital, l’outil est fantastique. Il leur permet de ne plus être systématiquement tributaire des journalistes pour espérer avoir un écho auprès des lecteurs. Tout comme ces producteurs qui s’affranchissent des distributeurs pour toucher leurs consommateurs, les élus parlent désormais directement aux électeurs. Un potentiel énorme où chacun se plait à rappeler que grâce à ce microblogging actif, Barack Obama a pu mobiliser des militants et lever des fonds pour gagner l’élection présidentielle de 2008 aux États-Unis.

Depuis, bon nombre d’élus de terrain ont ouvert à leur tour des fils Twitter. Députée UMP d’Eure-et-Loir, Laure de la Raudière figure par exemple parmi les utilisateurs assidus des messages en 140 caractères (en plus d’un blog personnel régulièrement nourri). Maire UMP de La Garenne-Colombes et député européen, Philippe Juvin a été un des pionniers à s’emparer de Twitter dans l’exercice de ses fonctions : « C’est un des outils devenus indispensables à la proximité politique ». Un usage croissant qui vaut désormais aux twitter-politiciens d’être régulièrement jaugés et classés en termes de régularité et d’influence.

Twitter ou ne pas twitter, telle est la question

C’est un fait acquis. Twitter et consorts permettent une nouvelle proximité entre les élus politiques et le corps social. Pour autant et à la lumière de certains faits récents, on peut se demander si ce désir de proximité et de transparence n’a pas parfois des effets collatéraux pernicieux.

Pendant la Coupe du Monde de football 2010, le député UMP de Haute-Savoie, Lionel Tardy a ainsi connu son heure de gloire médiatique en relatant par le menu le contenu des auditions parlementaires de Jean-Pierre Escalettes, l’ex-président de la FFF (Fédération Française de Football) et Raymond Domenech, l’ex-sélectionneur. L’impétrant n’en était pas à son premier coup d’éclat. En mars 2010, il avait déjà retranscris les débats houleux du groupe UMP à l’Assemblée nationale après la débâcle des élections régionales. Le même a ensuite récidivé avec un scoop en annonçant avant l’heure l’abandon de la taxe carbone pourtant longtemps défendue par le gouvernement.

Le fil Twitter de Frédéric Lefebvre a connu des déboires en 2009

En juin dernier, un autre député UMP de la Mayenne, Yannick Favennec, révélait depuis une réunion à l’Élysée où il participait que Nicolas Sarkozy procédera à un remaniement gouvernemental en octobre 2010. Aussitôt, une dépêche AFP est tombée et l’emballement médiatique a fait le reste ! Lui aussi n’était pas un novice en la matière. Tout comme son collègue des bancs parlementaires Lionel Tardy, il avait relayé les discussions enfiévrées du groupe UMP après la défaite cinglante des régionales. À chaque fois, les greffiers numériques ont fait le miel des journalistes et de la blogosphère qui se sont empressés de faire écho à ces informations inédites et surgies de là où on ne les attend d’ordinaire pas.

Plus anecdotique mais tout aussi ravageur, la conseillère régionale socialiste Anne Hidalgo s’était malicieusement amusée en décembre 2009 à prendre en photo depuis son smartphone, son adversaire politique Valérie Pécresse en pleine séance d’assoupissement caractérisé dans les travées de l’assemblée régionale. Cliché peu valorisant qu’elle avait ensuite publié avec une légende ironique sur son compte Twitter et qui généra aussitôt un buzz médiatique conséquent et l’ire de Valérie Pécresse. A la même époque, une passe d’armes opposa également en pleine séance de travail, des sénateurs socialistes à Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, qui s’était auparavant permis de tweeter des commentaires peu amènes à l’égard de quelques élus de gauche du Palais Bourbon.

Une fois dépassé l’aspect certes sympathique du « potache dissipé », ces multiples exemples suscitent bien des questions. À vouloir à tout prix tout révéler et le diffuser aussi rapidement que l’éclair, ne va-t-on pas paradoxalement à l’encontre de la clarté des débats ? La transparence est évidemment une chose souhaitable mais à condition de ne pas devenir un réflexe pavlovien où n’importe quelle information sort à toute vitesse et sans contextualisation. À terme, ce genre de fuites peut même devenir source de confusion et de polémiques bien inutiles où personne n’est réellement gagnant.

De même, l’usage excessif de Twitter dans le cadre de réunions confidentielles ou restreintes risque à terme d’affadir la teneur des débats, voire générer une nouvelle langue de bois de la pire espèce, les protagonistes sachant désormais que leurs propos peuvent se retrouver transmis sur Twitter dans la seconde qui suit. Le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, s’en est d’ailleurs ému à la suite des « exploits » des députés Tardy et Favennec. A l’heure actuelle, il envisage l’interdiction de l’usage de Twitter pendant des commissions ou des auditions censées se dérouler à huis clos. Une idée qui ne recueille pas que des avis favorables parmi les députés qui avaient trouvé là, un excellent moyen de se faire connaître et d’émerger de la masse des 577 députés de l’Assemblée nationale.

Et qu’en disent les experts ?

Diffuser et partager à bon escient est l'enjeu d'un fil Twitter

La transparence inédite induite par Twitter représente en effet un véritable problème. L’idée n’est pas pour autant de revenir à la situation antérieure où tout se disait et se faisait à l’abri des discrets lambris molletonnés et en tenant soigneusement le citoyen à l’écart. Néanmoins, avant de céder à l’engouement adolescent de la transparence retrouvée, il convient de s’interroger. À cet égard, le juriste américain Lawrence Lessig a jeté en octobre 2009, un énorme pavé dans la mare en publiant un article provocateur intitulé « Against transparency » dans la revue The New Republic.

Dans ce texte polémique, il écrit notamment à propos de la transparence : « J’en viens de plus en plus à penser qu’il y a une faille dans cette bonne chose que nul ne conteste. Nous ne nous demandons pas assez dans quelles circonstances la transparence est une bonne chose et dans quelles circonstances elle peut au contraire être source de confusion, voire pire (…) Le « mouvement de la transparence nue » n’incitera pas au changement. Il finira par saper la confiance dans notre système politique ». Dans ce manifeste qui a fait couler beaucoup d’encre, l’auteur appelle au final à une « transparence ciblée » et non pas un brouhaha dépenaillé sous couvert hypocrite de transparence démocratique.

Dans une interview accordée il y a deux ans, le sociologue de la communication, Dominique Wolton, pointait déjà les dérives potentielles d’un usage abusif de cette soi-disant transparence numérique qu’autorisent Twitter et les réseaux sociaux. Selon lui, cet emballement pour le déballage public tient en une explication : « On a longtemps rêvé d’une information en temps réel au prétexte qu’elle allait permettre de mieux comprendre le monde. Nous sommes dans cet idéal de la vérité instantanée du direct. On s’aperçoit aujourd’hui de ses limites. Le direct ne vaut pas grand-chose sans son contexte, sans mise en perspective, sans connaissances ».

Conclusion : faut-il supprimer Twitter des mains politiques ?

La question est certes un peu abrupte mais après tout, à trop vouloir tout dire à tout moment, ne risque-t-on pas de brouiller les choses, voire d’insinuer ou laisser supputer des faits qui ne sont pas avérés ? Si ne peut plus avoir lieu le temps du débat serein entre personnes responsables et sans le joug dictatorial de l’immédiateté des technologies de l’information, alors nous nous acheminons droit devant vers une société cacophonique où seuls auront droit de cité les plus aptes à crier fort ou à émerger de manière radicale et tranchée. Ce qui ne constitue pas vraiment une avancée démocratique.

D’un jeune issu de la génération Y, on aurait pu attendre un usage plus pondéré et astucieux de Twitter. À suivre !

Pour autant, il ne s’agit pas de condamner Twitter et consorts au bûcher et à la censure. Dans d’autres circonstances, on sait bien que ces outils sont des ferments de savoir et de démocratie. Cela s’est encore vérifié avec les agitations estudiantines en Iran l’an passé. Seuls Twitter et les réseaux ont permis de se forger une idée un peu plus précise de la situation réelle qu’occultait le pouvoir iranien.

Simplement, l’outil numérique ne doit pas se substituer à l’action réelle des politiques, ni devenir un numéro de cirque ou un défouloir digne des pires moments de la IIIe République comme en témoigne par exemple la logorrhée surannée et bien peu propice au dialogue du fil Twitter de Benjamin Lancar, conseiller régional de Paris et président des Jeunes Populaires. En témoigne cette capture d’écran effectuée en pleine affaire Woerth-Bettencourt et Mediapart.

Pour en savoir plus

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Billet originellement publié sur Le Blog Du Communiquant 2.0.

Crédits Photo CC Flickr : Tveskov

À lire aussi chez OWNI : « Journaliste, entends le tweet du politique au fond du banc »

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Journaliste, entends le tweet du politique au fond du banc http://owni.fr/2010/07/12/journaliste-entends-le-tweet-du-politique-au-fond-du-banc/ http://owni.fr/2010/07/12/journaliste-entends-le-tweet-du-politique-au-fond-du-banc/#comments Mon, 12 Jul 2010 08:30:51 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=21721

Ce 30 juin 2010 à 10h du matin, je lance un exercice avec un groupe de journalistes « papier », qui viennent s’initier au « web ». Une mise en pratique. Auparavant, j’avais expliqué et insisté —entre autres— sur l’importance de Twitter comme source d’information, sur la complémentarité des réseaux sociaux, sur le fait que les sites d’information et les journalistes étaient soumis désormais à une rude concurrence en terme de rapidité et de réactivité… Mais je ne pensais pas qu’un député UMP permettrait d’illustrer à ce point mon propos.

Ce matin du 30 juin, donc le choix de quelques journalistes en formation est de traiter du football français. Leur point de départ : l’audition de Raymond Domenech et Jean-Pierre Escalette devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. A priori, il ne fallait pas attendre grand chose de cette séance, Raymond Domenech ayant obtenu que cette audition, qui devait être initialement retransmise par La Chaîne Parlementaire et Eurosport, se déroule à huis-clos.

Mais nous sommes à l’ère de « l’information Twitter », et un député, Lionel Tardy, féru de nouvelles technologies, a décidé de tweeter en public la rencontre (un extrait de ses tweets ci-dessous et son fil ici) :

J’ignore le règlement de l’Assemblée nationale prévoit dans ce cas de figure, mais en terme d’information que signifie son acte ?

  • c’est la confirmation, qu’une « source » est toujours prête à parler [le fameux "traître" de Patrick Evra], y compris dans lieux présumés secrets. Pour une fois, l’opération de dévoilement est publique ce qui la rend d’autant plus spectaculaire, car c’est rarement le cas. Peut-être faut-il parler sur ce point au passé ; quelques heures plus tard, ce même 30 juin, un autre député UMP, Yannick Favennec, tweetait ce qui se passait lors d’une réunion avec Nicolas Sarkozy. Une annonce qui était reprise comme un fait politique majeur par lemonde.fr ou lefigaro.fr en s’appuyant sur cette seule source, reprise par une dépêche AFP :

  • l’information est « désintermédiatisée ». Lionel Tardy  de « source » et devenu acteur de l’information. On imagine la frustration des journalistes qui étaient à l’entrée de la salle et lisaient sur leur smartphone les tweets du député.
  • l’évolution technologique rend extrêmement facile pour les « amateurs » de produire de l’information et ici je pense en particulier à la qualité des vidéos qu’a prises ce député et qu’il a uploadé sur son FB
  • les sites d’infos à la seule exception du Monde.fr (voir ci-dessous), qui reprendra d’ailleurs l’un des tweets de Lionel Tardy en titre, doivent revoir leurs procédures de veille sur Twitter. En effet, des sites pourtant spécialisés dans le sport (L’Équipe) ou connu pour leur réactivité (20mn, Libé, Nouvel Obs…) sont sur cette info « à la ramasse ». Ils se rattraperont par la suite [en utilisant les tweets de Lionel Tardy comme matière première d'ailleurs], mais seulement par la suite…

  • la question déontologique. Les journalistes avec lesquels je me trouvais se sont immédiatement demandé s’ils auraient repris les tweets du député pour le site de leur journal. Faut-il considérer cette réaction comme old fashion ? Le fait est qu’elle fut unanime parmi les participants à cette formation. Il ne s’agissait pas d’une défiance vis-à-vis de l’outil (Twitter) mais leur réticence tenait au fait que l’auteur des tweets — un député — transgressait la réglementation de l’Assemblée nationale, le lieu où l’on fait les lois. Question ouverte donc : faut-il se ranger à l’avis de Jean-Jacques Bourdin, de RMC,  qui, sur son blog, titre « laisser tweeter Tardy » ? La discussion se poursuit en tout cas sur  #laisseztweetertardy.
  • la qualité de l’information. C’est le problème de la source unique. Ce n’est guère un souci dans le cas qui nous occupe, mais si ce procédé [un acteur tweete d'un lieu présumé clos] se généralise, la question de la manipulation de l’information se posera inévitablement.

Billet initialement publié sur Mediatrend sous le titre Lionel Tardy, député : « Je suis le traître qui twitte et je l’assume »

Image CC Flickr Steve Rhodes

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Loppsi: le Sénat opte pour un filtrage sans juge http://owni.fr/2010/06/09/loppsi-le-senat-opte-pour-un-filtrage-sans-juge/ http://owni.fr/2010/06/09/loppsi-le-senat-opte-pour-un-filtrage-sans-juge/#comments Wed, 09 Jun 2010 09:03:45 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=17980 L’article 4 du projet de loi Loppsi (Loi d’orientation et de programmation pour la performance) oblige les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) d’empêcher l’accès des internautes aux contenus pédo-pornographiques.

«Après accord de l’autorité judiciaire»

Le 27 janvier dernier, lors du passage du texte en Commission des Lois à l’Assemblée Nationale, , le député UMP Lionel Tardy a déposé un amendement instaurant l’intervention préalable d’une autorité judiciaire dans le processus. C’est-à-dire imposer l’accord préalable du juge à la notification par l’autorité administrative aux FAI de la liste noire des sites à bloquer. Cet amendement 131 tient en cinq mots : « après accord de l’autorité judiciaire».

Lors de l’audition en Commission, le député explique :

“la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi Hadopi impose l’intervention d’un juge pour toute restriction de l’accès à l’Internet. Que cette restriction se fasse au niveau de l’utilisateur ou à celui d’un site ne change rien. Les demandes de blocage de site formulées par l’administration doivent donc être filtrées par le juge”.

Avant d’ajouter : “Nous avons déjà adopté cette disposition pour les jeux en ligne, la logique voudrait que nous l’adoptions aussi en ce qui concerne les sites pédopornographiques”.

Contre l’avis du rapporteur, Eric Ciotti, qui estime que cela entraverait l’efficacité, la rapidité et la réactivité de la procédure, l’amendement est adopté en Commission. L’article 4 ainsi modifié est par la suite voté par l’Assemblée nationale le 11 février.

Empêcher l’accès d’un site, et non interdire l’accès à Internet

Après l’Assemblée, le texte doit maintenant être examiné au Sénat. Et, comme cela était prévisible, l’intervention préalable du juge y est remise en cause. En Commission des Lois, le 2 juin dernier, le sénateur et rapporteur UMP Jean-Patrick Courtois a déposé un amendement (PDF) visant à supprimer « après accord de l’autorité judiciaire». Amendement qui a été voté en Commission.

Dans le rapport de la Commission, ce dernier explique que l’argument avancé par Lionel Tardy, fondée sur la censure du Conseil constitutionnel de la loi Hadopi n’a pas convaincu.

Selon lui, cette censure

“avait alors porté sur le pouvoir donné à l’autorité administrative de restreindre ou limiter l’accès à Internet considéré comme une atteinte à la liberté individuelle. Or la disposition proposée présente une portée beaucoup plus restreinte puisqu’elle tend non à interdire l’accès à Internet mais à empêcher l’accès d’un site déterminé en raison de son caractère illicite”

Vraisemblablement pour convaincre les sénateurs de la non-nécessité du juge, Jean-Patrick Courtois a déposé un autre amendement visant à “mieux préciser le champ d’intervention” du blocage.

Il sera limité aux sites présentant un “caractère « manifestement » pédo-pornographique”. Dans le même objectif, le rapport rappelle que “le choix des adresses électroniques dont l’accès doit être bloqué constituera naturellement une décision administrative susceptible de recours dans les conditions de droit commun”.

C’est-à-dire qu’en cas de site bloqué par erreur, le recours à un juge sera alors possible.

Coûts et surcoûts

Enfin, le rapport indique que, selon les informations du ministère de l’intérieur, le coût de cette mesure pour les FAI serait compris entre 2 à 12 millions d’euros, en fonction, principalement, des options techniques retenues (filtrage BGP, hybride, DPI, etc.).

De son côté, dans le cadre la Loppsi, la Fédération Française des Télécom a réalisé une Etude d’impact du blocage des sites pedopornographiques (PDF), dans laquelle elle fournit ses propres estimations. Selon elle, le budget pour trois ans serait compris entre 100.000 euros (blocage BGP externalisé) à près de 140 millions d’euros (blocage DPI).

Cela ne tient pas compte des impacts financiers engendrés par les «effets de bord» du blocage, des dommages inévitables quelque soit la solution retenue.

La Loppsi devrait être présentée au Sénat en septembre.

Sur le même sujet :
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Filtrage : Instrumentalisation de la pédo-pornographie en Europe

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