Le marché de la musique enregistrée a changé. Il ne s’agit plus de vendre des titres, un par un, au plus grand nombre possible mais de gagner l’attention des auditeurs qui, par leur écoute, rémunéreront les ayants droits. De quoi bouleverser les équilibres entre majors et indépendants.
Dans un marché de la musique par abonnement, Deezer, Spotify, mais aussi où la radio, les synchros et les lieux sonorisés (cf les coiffeurs) contribuent de plus en plus aux revenus des ayants droits, la musique est en quelque sorte prépayée… à charge de rétribuer chacun selon les titres diffusés ou
écoutés par le public.
En d’autres termes, on ne demande plus au citoyen de payer pour quelque chose qu’il a envie d’écouter, mais de rétribuer via des circuits complexes, la musique qu’il a écouté à tel ou tel moment de la journée sur son smartphone, à la radio ou chez le coiffeur… dans le cloud.
Ce qui change pour le public, pas grand-chose par rapport au modèle actuel si ce n’est qu’il lui faudra peut-être payer un peu plus (abonnements, copie privée, redevances voire licence globale) pour financer la création de cette musique.
Ce qui change pour les maisons de disques : tout.
Jusqu’à ce jour, le but du jeu était de vendre des disques, des titres, qu’ils soient écoutés ou non, en activant les mass média de TF1 à NRJ, via d’importantes opérations de promotion marketing et pub TV. Aujourd’hui, on ne vend plus la musique. L’enjeu est d’attirer l’attention du public sur des titres, des artistes pour qu’il écoute, qu’il aime et qu’il y revienne. Et plus il écoutera, plus l’argent arrivera alors via les circuits dont je parlais ci-dessus.
D’une économie de la vente, on passe à celle de l’attention à son public. Les maisons de disques, qui ont toujours superbement ignoré leur public en passant par l’intermédiaire des médias pour la promotion ou des disquaires pour la vente, se trouvent désormais dans l’obligation de chercher à mieux le connaître : l’identifier, le séduire, l’avertir sur toutes les nouveautés qu’il pourrait aimer.
Ceci n’est pas tout à fait nouveau. Depuis quelques années déjà les managers s’intéressent aux fans de leurs artistes et aux modèles qui vont avec. De même, avec des outils comme Open Disc les producteurs ont cherché à construire des communautés autour de leurs stars. Mais on restait dans l’artisanat. Ce qui est nouveau, c’est que le modèle est en train de basculer complètement, que les maisons de disques commencent à adapter le procédé de façon industrielle, pour l’ensemble de leurs artistes, de leurs catalogues.
C’est sans doute là la raison de la création d’Off TV. Le média, intermédiaire hier entre le créateur de contenu et le public, devient la propriété de la major (Universal) afin que celle-ci contrôle mieux les contenus qui y circulent, mais aussi, gagne une meilleure connaissance des publics qui les consomment. Ainsi, tout média qui intègre des contenus d’Off TV permet de remonter les informations à la major. Dans un monde « idéal », cet outil permet de monitorer tous les flux, c’est-à- dire de pouvoir analyser la manière dont le succès viral se développe sur le net, la présence de telles ou telles communautés sur tels ou tels blogs, leur impact sur la croissance des écoutes sur les offres de streaming, des ventes de billets de concert, etc.
Évidemment, les maisons de disques ont toujours analysé les médias et les ventes pour chercher à optimiser leurs opérations promotionnelles. Savoir que la diffusion d’un titre sur une radio régionale, qu’une date de concert permet d’optimiser la mise en place du disque dans les Fnac et les hypers du secteur, est un secret de Polichinelle qu’on s’échangeait au siècle dernier. Analyser les ventes magasin par magasin pour chercher à dresser le profil des acheteurs également.
Avec Off TV, Universal va beaucoup plus loin. Cet outil ultra efficace diffuse des contenus exclusifs et gratuits. Ceux-ci peuvent circuler librement sur la Toile mais à une condition essentielle de traçabilité. Ainsi, l’outil permet à Universal de développer la visibilité de ses artistes sur l’ensemble des sites qui adoptent le système et en même temps, l’outil permet de remonter des informations sur la fréquentation de chacun de ces sites et donc d’avoir une meilleure connaissance de tous cesmédias avec lesquels elle pourrait optimiser ses opérations marketing et promotion.
De plus, en apportant des contenus gratuits, Universal augmente ses chances de les voir diffuser et améliore son image de « major assise sur des contenus qu’elle nous interdit d’échanger ».
Alors certes, Universal ne donne pas le bon exemple en offrant du gratuit quand son président demande dans le même temps que se développent des modèles payants. « Produire quelques minutes d’interview ou d’images vidéos sur le vif coûte beaucoup moins cher que de produire un album en studio et de développer une carrière » souligne Pascal Nègre. « On peut donner ces contenus d’OFF TV, s’ils nous permettent de mieux vendre notre musique » dit en substance le PdG d’Universal.
Malin. Voilà une bonne façon de préparer l’avenir et de gagner le soutien des internautes qui seront ravis de pouvoir publier sur leurs blogs des images de leurs artistes préférés et voient dans Off TV un média vraiment cool. Une façon aussi de prendre de l’avance sur la concurrence en ayant une meilleure connaissance du secteur. C’est bien joué de la part d’Universal qui, en tant que leader du marché, a toujours su jouer de sa position pour prendre des positions, en avance sur la concurrence, et conserver ainsi sa part de marché.
A l’époque où NRJ faisait encore la pluie et le beau temps sur le top 50, Universal était déjà leader et avait déjà de meilleurs accès aux médias phares et de meilleurs conditions pour acheter de l’espace publicitaire. Les producteurs indépendants ont dénoncé ces distorsions de concurrence, mais sans jamais savoir vraiment s’organiser pour reprendre le dessus. Avec Off TV et alors que la pub TV et les FM perdent tout impact sur le succès des artistes, Universal reprend une longueur d’avance que la concurrence risque d’avoir bien du mal à rattraper.
Et notamment les indépendants, qui sont pourtant les garants de la diversité culturelle. En ayant rejeté les propositions de gestion collective de leurs droits en ligne, ils ont pris une sérieuse hypothèque sur leur avenir. En étant incapables de s’entendre sur le développement de projets communs (comme l’ont fait par exemple les tous petits labels alternatifs de cd1d), les producteurs indépendants ne construisent pas leur modèle économique du futur. Pourquoi ne cherchent-ils pas, eux aussi à créer des plateformes communes pour développer leurs artistes ?
Demander des aides de l’État est compréhensible. En période de crise, il est normal que la puissance publique apporte de l’aide aux secteurs en difficultés. Mais encore faut-il bâtir le futur de la filière. L’État ne pourra pas aider indéfiniment.
La bonne nouvelle, c’est la création annoncée d’une Centre national de la Musique – que l’auteur de ces lignes appelle de ses vœux depuis des années. On en reparlera probablement au Midem.
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Crédits photos : Johnnyalive; zilverpics; pkirn
]]>Universal et Sony Music viennent en effet d’annoncer la mise en place d’une stratégie “on air on sale”, qui verra la mise en vente des nouveautés sur les plateformes de téléchargement sitôt leur première diffusion radio. Vous trouvez aberrant que cette pratique ne soit pas déjà en place à l’heure de l’immédiateté induite par internet ? C’était (c’est) pourtant le cas.
Combien de titres ont vu leurs performances amoindries par une date de sortie trop tardive par rapport à la mise en radio ? David Joseph, DG d’Universal au Royaume-Uni, l’explique assez clairement :
“Attendre” ne veut rien dire pour la génération actuelle. C’est complètement dépassé de croire que l’on peut créer de l’attente autour d’un titre en le jouant à la radio plusieurs semaines avant sa sortie effective.
Traditionnellement, un disque est mis en radio six semaines avant sa sortie, avec entre-temps la diffusion du clip vidéo qui l’accompagne. Utile pour éveiller l’intérêt du public sur un titre ou un artiste à faible notoriété initiale, ce système perd toute sa pertinence dans le cas des artistes stars capables de mobiliser leur fan base en quelques heures.
L’excitation et la frénésie d’achat générées par les passages télé aux heures de grande écoute, les candidats de l’émission anglaise X Factor ont été parmi les premiers à en bénéficier. En rendant disponible au téléchargement le single de Matt Cardle, le gagnant 2010, dans les minutes suivant son sacre devant près de 22 millions de téléspectateurs fin décembre, Sony ne s’y est pas trompé. C’est pas moins 439 000 exemplaires de la chanson qui se sont écoulés au cours de la semaine suivant la victoire, dont 112 000 dans les premières 24h, faisant de When We Collide (reprise de Biffy Clyro) le deuxième titre le plus vendu de l’année… en deux semaines (juste en dessous de 800 000 ventes).
Une stratégie moins bien pensée dans la même émission pour le groupe Take That quelques semaines plus tôt a renforcé l’évidence de la politique “on air on sale”. Le groupe s’est en effet produit dans l’émission pour son grand retour, mais une semaine avant la sortie de son single The Flood. Mauvaise idée, alors qu’il aurait fallu rendre le titre disponible immédiatement, pour capter les téléspectateurs désireux de l’acheter dans la foulée de la performance. Résultat, les internautes ont eu une semaine pour se procurer la chanson illégalement (ce qui s’avère être d’une simplicité extrême) et The Flood n’a pu faire mieux que se classer second des charts, alors qu’il était l’un des plus attendus de l’année.
Mais la première star internationale à profiter de cette stratégie et à en valider de fait le principe n’est autre que Britney Spears. Son nouveau single, Hold It Against Me, était annoncé pour le 11 janvier dernier. Sauf que, comme c’est souvent le cas avec les “gros” singles, il s’est retrouvé sur internet dès le 10. Qu’à cela ne tienne, Sony s’est empressé de le rendre disponible sur iTunes dans les heures qui ont suivi, et la réactivité a payé. Le single était en effet numéro un des ventes sur iTunes dans pas moins de 17 pays quelques heures à peine après sa mise en vente. Il est bon de noter que le seul territoire à avoir attendu une semaine pour rendre le titre disponible sur iTunes est… le Royaume-Uni ! Réactivité limitée pour nos amis britanniques certes, mais réactivité tout de même puisque Hold It Against Me devait initialement sortir… en février, en concurrence frontale du nouveau single d’une certaine Lady Gaga.
Le problème ne semble donc pas être la réticence du public à dépenser un euro/une livre/un dollar pour acheter une chanson, mais plutôt le refus d’attendre pour la posséder.
La Featured Artist Coalition, syndicat d’artistes britanniques regroupant plus de 1500 membres parmi lesquels Annie Lennox et Kate Nash, s’est félicité de l’avancée que représente la “on air on sale strategy” pour eux :
Nous accueillons avec satisfaction la décision de plusieurs majors et labels indépendants de faire coïncider les dates de mise en radio et de mise en vente des singles. Nous militions depuis plusieurs mois pour que cette décision prenne effet. Nous pensons que les artistes verront leurs ventes augmenter, et diminuer les effets du téléchargement illégal étant le fait des fans souhaitant acheter la musique dès qu’ils l’entendent. Enfin, les charts reflèteront plus fidèlement le comportement des consommateurs.
Ceux-ci risquent en effet de voir leur physionomie quelque peu modifiée. Traditionnellement, dans les classements britanniques, un titre atteint sa meilleure position en première semaine, conséquence d’une campagne marketing entamée plusieurs semaines en amont. Avec les nouvelles dispositions prises par les majors on peut imaginer plusieurs cas de figure.
Le premier bénéficiera aux nouveaux artistes pour lesquels la notoriété du titre n’est pas immédiate. Sortir le single dès la mise en radio permettra aux précurseurs de le posséder avant le grand public, les détournant ainsi des liens de téléchargement illégaux qui apparaissent plus ou moins simultanément à la première diffusion. La disponibilité du titre tout au long de la campagne marketing offrira l’opportunité de gagner de nouveaux fans tout au long de celle-ci.
Lorsque la phase d’exposition au plus large public potentiel sera atteinte (avec les grosses rotations radio, la promotion télévisée, les campagnes de RP dans les publications papier et les blogs…) les ventes augmenteront significativement pour atteindre la “peak position” tant convoitée.
C’est exactement l’approche qui a été choisie avec celle dont tout le monde parle depuis quelques semaines, la britannique Jessie J. Le single, lancé en décembre alors que le buzz commençait seulement à prendre forme, s’est hissé jusqu’à la 25ème place des charts, avant de végéter quelques semaines. Puis début janvier les choses se sont accélérées pour l’artiste : lauréate du fameux “Sound of 2011” de la BBC (la première radio britannique) consacrant les musiciens au plus fort potentiel durant les mois à venir ainsi que du Critics’ Choice Award aux prestigieux Brit Awards, sa notoriété a explosé et conséquemment, Do It Like A Dude a atteint la seconde place des classements britanniques.
Le journaliste britannique Peter Robinson, qui écrit pour le Guardian et tient le blog Popjustice soulève un autre point intéressant.
“Les radios arrêteront-elles de jouer un titre, dès que les chiffres de ventes s’avèreront mauvais ? Si oui, cela annule-t-il l’intérêt de faire coïncider date de sortie et date de mise en radio ? Les six semaines d’exposition en radio avant la sortie n’étaient-elle pas utiles pour faire découvrir et aimer un titre au public ? La stratégie “on air on sale” ne favorise-t-elle pas les hits instantanés au détriment des chansons qui prennent plus de temps à séduire (les “growers”) ? D’autre part, les “growers” existent-ils vraiment de fait où faisait-on face à des titres qui finissaient par convaincre les gens,ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils sont “bons”. Rien de tout cela n’est sûr, mais ce qui l’est, c’est que les radios seront sans merci avec les gros artistes comme les petits lorsqu’il s’agira de lâcher un titre qui ne fonctionne pas immédiatement. Prenons un exemple : “Well Well Well” de Duffy est jouée pour la première fois un dimanche soir, et sort simultanément sur iTunes. Il stagne à la 35ème place des charts le mardi, les radios arrêtent donc de le jouer le mercredi, et le titre disparaît des charts. Au bout de trois jours de campagne marketing, celle-ci est morte est enterrée, l’album et l’artiste avec.”
La stratégie “on air on sale” semble donc capable de secouer considérablement la commercialisation de la musique, tant pour les gros artistes que les débutants. Il est bon de rappeler qu’iTunes a fêté ses dix ans il y a quelques jours, soulignant d’autant plus le manque de réactivité des acteurs majeurs de l’industrie de la musique enregistrée. S’il semble à première vue que cette stratégie n’a de pertinence que pour les gros artistes, on peut espérer qu’elle permette à un grand nombre de musiciens moins exposés ne pouvant se permettre d’être piratés dès l’apparition d’un titre sur internet de construire des succès moins immédiats mais plus solides. Et pourquoi pas d’espérer atteindre le sacro-saint top 40 du dimanche après-midi…
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Lectures conseillées : Popjustice, The Guardian Music Industry
]]>La société Jiwa est co-fondée Thierry Rueda et Jean-Marc Plueger en 2006. Malgré leurs liens avec le milieu de l’industrie du disque — “on connaît très bien les directions des principales majors” — ils doivent attendre le 12 mars 2008 pour signer leur premier contrat avec Universal. Le site ouvre dès le lendemain. En mai 2009, ils annoncent une série de signatures avec des majors (Sony, EMI, Warner et Universal), des indépendants (Naïve et Pschent), des agrégateurs et avec Apple. Le site annonce alors un catalogue de 4,8 millions de titres et lance une V2.
En janvier dernier, interrogé par Electron Libre sur une “rumeur” de dépôt de bilan du site, Jean-Marc Plueger infirme l’information, et au passage livre quelques confidences sur les minimums garantis exigés par les majors pour l’exploitation de leurs catalogues. Ce qui a peu plu dans le milieu. Warner réagit en parlant d’informations “confidentielles et contestables”. Il déclare que Jiwa n’ayant “pas respecté ses obligations” il a “dû saisir le Juge des référés, lequel a effectivement condamné la plate-forme”, et décide de retirer son catalogue de la plateforme. Avec Sony, la major accuse également le site d’avoir lancé son activité “en violation” de leurs droits.
C’est également en janvier que Jiwa se réjouissait des perspectives offertes par le rapport de la mission “Création et Internet”, dit rapport Zelnik (pdf). Notamment de deux propositions. Celle d’étendre le régime de la rémunération appliquée à la radio hertzienne à la webradio, et celle de développer un régime de gestion collective des droits exclusifs pour les autres services (téléchargement de titres, streaming, etc.). La mission appelait alors l’ensemble des acteurs à se concerter et à opter pour un tel système “sous une forme volontaire”. S’ils ne parvenaient pas à un tel accord d’ici la fin de l’année 2010, elle menaçait alors d’instaurer un régime obligatoire par la loi.
Nous avons interrogé Jean-Marc Plueger, co-fondateur et PDG de Jiwa, à propos de cette fermeture, des minimums garantis (MG), et du futur des services de musique en ligne.
Oui. Les minimums garantis, l’accès au catalogue, sont un problème pour nous et pour tout le secteur. Les contrats avec les majors sont très difficiles à négocier. Ils sont très longs à obtenir, et se font au compte-goutte. Et les paiements des MG sont très importants, et entravent le développement du site. Pour chaque type d’exploitation, les majors demandent un MG supplémentaire : il y en a un pour la diffusion streaming financée par la publicité, un pour un mode Premium, un si c’est pour une diffusion par mobile, etc. Toutes les nouvelles offres de musique en ligne doivent aussi faire face à deux concurrences énormes. Un poids lourd de l’offre légale avec Apple qui détient 70% du chiffre d’affaire de la musique en ligne en France. Et dont la part de marché continue à augmenter avec des exclusivités, par exemple sur l’iPhone. Et le piratage qui doit représenter plus de 90% de la consommation de musique en France.
Oui. C’est un milieu où personne ne communique les chiffres : ce que ça coûte, le montant des MG, etc. Aujourd’hui il y a quelque chose qui fait très peur aux majors, c’est la gestion collective. A tort ou à raison. Elles n’apprécient donc pas tout ce qui est communication sur leurs pratiques commerciales.
Que du bien. Si on veut vraiment qu’il y ait du développement dans le secteur, c’est indispensable. Le fait de pouvoir accéder à un prix raisonnable aux catalogues.
Un médiateur a été nommé, il s’agit d’Emmanuel Hoog, ancien président de l’INA et actuel président de l’AFP. Il a reçu les différents acteurs (les maisons de disque, etc.). Et on en est là.
Les majors sont vent debout contre le système de gestion collective
Aujourd’hui la situation est bloquée. Les majors sont vent debout contre le système de gestion collective. Elles sont très déterminées à ce que ça ne se mette pas en place. Alors que pour beaucoup d’acteurs d’Internet, c’est l’unique solution pour pouvoir avancer sur le sujet. Et on en arrive à une situation schizophrénique, par exemple à Vivendi où SFR est pour, et Universal contre. Dans le rapport Zelnik (pdf), il y a une menace de procéder à une solution législative. Il est dit «mettez-vous d’accord ou le législateur passera une loi d’ici la fin de l’année». Mais aujourd’hui, on a d’un côté les sites Internet qui ont beaucoup d’appétence pour ce régime, et de l’autre les majors qui sont totalement contre. Il faut qu’il y ait une volonté politique très forte. Donc la question est : y a t-il une vraie volonté politique ou non ?
S’il n’y pas de système de gestion collective, le marché va se concentrer de plus en plus. Les acteurs indépendants vont soit être revendus aux plus gros, comme c’est la cas avec Deezer et Orange, soit disparaître comme Jiwa. Et on aura plus que quelques acteurs essentiellement anglo-saxons. En Belgique par exemple, Apple détient 90% du chiffre d’affaires de la musique sur Internet. Et il n’existe même pas de version belge de l’Apple Store. C’est-à-dire que si vous êtes un artiste belge qui commence, vous n’avez aucune chance d’être mis en avant. Demain, la politique culturelle française en matière de diffusion dépendra t-elle de ce qui est décidé à Palo Alto ?
S’il n’y pas de système de gestion collective, le marché va se concentrer de plus en plus
Certainement. On a fait plein d’erreurs. Et il y a plein de choses qu’on ferait différemment. On ferait justement en sorte d’être moins dépendant des majors. En se concentrant sur les catalogues de musique indépendante ou sur les modes de diffusion qui bénéficient déjà d’un système de gestion collective comme la webradio avec la SCPP [Société Civile des Producteurs de Phonogrammes ndlr] et la SPPF [Société civile des Producteurs de Phonogrammes en France ndlr]. C’est beaucoup plus facile pour signer les contrats, et moins cher. Le rapport Zelnik propose d’ailleurs d’étendre le régime des radios hertziennes aux webradios.
Le tribunal du Commerce de Paris a prononcé le 29 juillet dernier une liquidation judiciaire “sans poursuite de l’activité”. On est en train de voir avec le mandataire judiciaire les solutions pour pouvoir laisser le site ouvert en stoppant l’écoute de la musique tout en laissant l’écoute des playlists en mode radio.
Je sais que des sociétés regardent le dossier. Mais est-ce que ça va aboutir… ?
Une déception. En début d’année, les pouvoirs publics ont fait un ensemble de promesses pour aider les sociétés du secteur. On y croyait vraiment en janvier. Mais elles se sont toutes dégonflées comme des baudruches. Par exemple la Carte Musique Jeunes [l'une des propositions du rapport Zelnik ndlr] annoncée par Nicolas Sarkozy en janvier et qui devait être prête pour la Fête de la musique en juin. On y a passé des dizaines d’heures, une nombre de réunions incalculables, pour finalement nous expliquer un dispositif qui était une vraie usine à gaz. Et qui ne correspondait vraiment pas au mode de consommation de la musique en ligne aujourd’hui. On nous a annoncé que ça devait arriver le 21 juin, puis que c’était repoussé en septembre, et aujourd’hui que ça pourrait ne pas voir le jour du tout. On y a perdu pas mal de temps et d’énergie.
La morale de l’histoire ? … Je ne sais pas. Quelqu’un à côté de moi souffle : «La musique sur Internet, c’est un business de riches». Je ne suis pas en désaccord.
Illustration CC FlickR par Stéfan
]]>Aujourd’hui, ce n’est pas une news qui me fait réagir mais deux. La première est issue de l’excellent billet de Fabrice dont je vous recommande vivement la lecture et qui épingle Orange comme il se doit … mais Fabrice est à mon sens encore trop gentil et nous allons voir pourquoi. La seconde est une décision de justice américaine qui piquote derrière les yeux.
Allez, c’est parti, on commence svp, par visionner cette nouvelle vidéo, suite d’une longue série thématique sur la définition de chacun de la Net Neutrality lancée par l’ARCEP (que je remercie au passage très chaudement pour cette initiative qui n’a pas finit de faire pisser du pixel).
Dernier épisode en date, Stéphane Richard, directeur Général d’Orange, pour qui la Net Neutrality revêt une définition pour le moins assez singulière.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Puis c’est vrai ils sont un peu cons à l’ARCEP, ils parlent d’Internet Neutre alors que chez orange l’Internet il est « ouvert »… mais pas neutre … c’est une spécificité d’Orange, ne cherchez pas à comprendre.
Pour vous la faire courte :
Rappelons que pour être « ouvert et neutre » (au passage si Internet était fermé on appellerait ça un Lan … AOL a essayé … AOL n’existe plus … CQFD) on ne doit pas assister à ce mélange des genres entre FAI qui fournissent les tuyaux et producteurs de contenus… ça aussi, c’est une particularité française, merci Universal/SFR, merci Numericable, merci Orange, et dans une moindre mesure mais il a pas dit son dernier mot … merci Bouygues/TF1…
Sur ce point, Stéphane Richard a raison, l’Internet français est ouvert, mais il est loin d’être neutre, pour la bonne et simple raison que certains FAI sont de véritables rapaces et qu’ils n’ont rien trouvé de mieux que d’imposer leurs propres contenus à leur abonnés « en exclusivité », pour se faire des pépettes.
Maintenant, si vous me demandez si je trouve ça normal … je vous répondrais que non, je trouve ça malsain et honteux, mais encore une fois, le Net français, tu l’aimes ou tu te casses ! Inutile donc de me demander pourquoi ce blog est hébergé en Suède et pourquoi je compte délocaliser à terme tous mes sites.
D’ailleurs, je m’amuse de voir que je ne suis pas le seul et que certains parti politiques en font de même ! Je vous rappellerais donc simplement une petite citation de Benjamin Bayart lors de la table ronde à la Cantine sur la Neutralité du Net :
“Quand 10% de la population a envie de prendre le maquis c’est qu’on commence à vraiment être dans la mouise”
Ce terme de neutralité, Orange ne l’aime pas, c’est d’ailleurs assez explicable, il y a certains signaux qui ne trompent pas. Vous ne voyez pas de quoi je veux parler ? Allez je vous aide …
“En 2010, pour me remercier de mes compétences en matière d’Internet et pour avoir appliqué en bon petit soldat la volonté présidentielle de faire voter un texte inapplicable, qui n’a ni queue ni tête et que je n’ai même pas réussi à faire passer du premier coup, je me vois confier un poste de responsable des contenus chez un grand FAI français, ce, afin de porter une nouvelle fois atteinte au principe de Neutralité du Net”
Qui suis-je ? … Bingo Christine Albanel ! Orange a inventé la Net Neuneutrality® … exception culturelle quand tu nous tiens !
Comment voulez vous qu’un opérateur qui embauche une personne qui a prouvé qu’elle avait non seulement une incompétence manifeste sur ces sujets et qui en plus est à la solde des industries culturelles soit d’accord avec le principe de Net Neutrality ?
Revenons en à l’ami Stéphane Richard qui confesse volontiers ne pas être un spécialiste de l’Internet (là tout de suite comme ça, ma première réaction est de me demander ce que fout ce type à la direction générale du plus important FAI français … pas vous ?).
Notez que le monsieur sur la vidéo n’en ramène pas lourd non plus, “je ne suis pas un ancien dans les réseaux, je suis tout neuf”, comprenez “j’y capte rien moi à Internet, j’ai été embauché pour faire de la thune alors venez pas me gonfler avec votre neutralité”.
Et la thune, je la fais comme je veux, si je veux que mon FAI soit partenaire avec le Figaro, il ne m’apparait pas choquant que tous mes abonnés se voient interdire l’accès à d’autres journaux ou sources d’actualités en ligne… ou alors ils auront le droit mais ce sera payant… faire payer sur son réseau l’accès à une information gratuite sur tous les autres réseaux pour privilégier ses propres contenus, voilà une idée qu’elle est séduisante … bienvenue dans la vie.com avec Orange.
Assez trollé et si vous souhaitez lire des arguments sérieux « contre » la Net Neutrality, ce sont ceux avancés par Alexandre Archambault, responsable des affaires réglementaires chez Iliad, qui contrairement à monsieur Richard connait bien son sujet.
Et encore, après bonne lecture, vous comprendrez que la position d’Alexandre, fort juste, ne va pas tant que ça contre la « bonne intelligence » d’une Net Neutrality responsable, cohérente, où toutes les parties seraient gagnantes, vous verrez en plus que c’est quand même dit avec une autre classe et une réflexion plus poussée que ce que nous sert monsieur Richard…
Toujours suite à cet argumentaire d’Alec, je vous invite ensuite à lire la réponse de Benjamin qui vaut comme d’habitude son pesant de cacahuètes.
Ce qui nous mène au second point de ce billet qui est l’affaire FCC vs Comcast, un opérateur qui s’était fait taper sur les doigts car il s’adonnait à du trafic shaping un peu trop prononcé sur les réseaux P2P. Cette décision en appel n’a évidemment pas non plus échappé à Fabrice.
L’affaire remonte à 2007, la FCC (Federal Communication Commission) qui est l’équivalent de l’ARCEP aux USA avait sommé Comcast, le Orange local, de ne pas s’adonner au filtrage des contenus au nom du principe de Net Neutrality.
Elle gagna le procès contre l’opérateur en première instance marquant ainsi un point en faveur de la Net Neutrality. La cour d’appel fédérale a tranché, la FCC n’a pas le droit d’imposer la Net Neutrality à Comcast.
La décision en appel intervient à un moment particulier, car croyez le ou non, les USA sont un véritable désert numérique… aux USA, ils n’ont pas Free, ils n’ont rien compris.
L’offre plafonne souvent à 5 mégas sur un réseau câblé vieillissant et la FCC lance un plan national en faveur du haut débit.
La FFC comptait bien faire de la Net Neutrality une composante importante de son plan et pour qui connait Internet, on se rend vite compte que non seulement c’est la bonne méthode mais qu’en plus cette Net Neutrality est nécessaire pour qu’un accès au haut débit se fasse dans les meilleures conditions pour tous (et là je pense surtout accord de peering pour les petits opérateurs locaux qui pullulent aux Etats Unis).
Cette décision est fort intéressante, car elle est à mettre en parallèle avec l’action de l’ARCEP dont on sait qu’elle n’a qu’un rôle consultatif … un peu comme une Haute Autorité sans autorité (oh c’est un peu facile … mais oui … comme HADOPI). Sauf que contrairement à HADOPI, l’ARCEP a une utilité réelle et coûte au contribuable 10 à 50 fois moins cher. Si les avis de l’ARCEP sont consultatifs, ils n’en demeurent pas moins souvent fort respectés car guidés par la bonne intelligence, pour le bien commun et pour le bien des réseaux.
Attention, cette décision de la cour d’appel fédérale ne veut cependant pas dire que la Net Neutrality est morte aux USA, cette problématique reste au coeur des préoccupations des internautes américains comme des politiques qui se sont emparés de cette cause, flairant l’importance que ce débat revêt pour une démocratie saine.
Il faut donc s’attendre à de nouveaux rebondissements sur ce dossier très sensible.
]]>Subtilement, comme un frémissement de la force seulement perceptible de Maître Yoda, la République de France et son corollaire planétaire, basculent vers un empire numérique d’Après. J’ai commencé à m’en rendre compte à l’époque du vote d’Hadopi, au nom de la sacro-sainte liberté des ayants droit à sauver leur business malmené par le téléchargement. J’attends donc que la rébellion guidée par ce jeune puceau brushingué pilote de X-wing vienne foutre le bordel. Mais j’ai un doute.
Ça a commencé par une petite loi, répercutée en Suède ou au Royaume-Uni, qui n’a pas ému grand monde. Après tout, que les gamins se remettent à consommer légalement la daube packagée par Pascalou et ses amis n’est pas un sujet de prime importance dans un monde soumis au diktat des crises économiques et écologiques. Sauf que. Sauf que personne ne s’est réellement indigné, dans l’opposition ni l’opinion publique qu’une industrie culturelle s’interdise, et fasse interdire le mouvement vers le renouveau et rende pirate toute réflexion autour d’une alter-consommation.
Un peu comme si la filière charbon au milieu du xxe siècle s’était mise à imposer un produit salissant et économiquement non neutre contre la technologie électrique, mélangeant un discours réel de danger nucléaire et de faux arguments concernant la difficulté à produire ensuite des calorifères efficaces. Obligeant le monde entier à se salir les doigts, descendre à la cave avec le seau à charbon pour nourrir le poêle alors que tout un chacun pourrait produire son énergie éolienne. Ceci au prétexte que les constructeurs d’éoliennes ne se préoccuperaient que très peu des artistes et de leur possibilité de se nourrir. Il faut bien manger qu’ils disent. Moi je réponds que d’habitude, quand on va produire une Renault en Turquie ou qu’on ferme une aciérie de Lorraine, on s’en occupe assez peu de la perte d’emploi et de la galette de riz qu’on mange.
Ainsi, une industrie a réussi a faire légiférer contre le plaisir de la population, sur des principes liés à la consommation de fichiers numériques ou de rondelle irisée. Que nombre de groupes contemporains se soient créés en accédant au vivier Napster, que plein de gens puissent avoir accès à une forme de culture musicale ou cinématographique, que les mêmes industries culturelles Warner, Sony… vivent déjà en partie des reports financiers de la population du disque et du DVD vers l’informatique, les concerts devenus hors de prix ou les jeux pour consoles nouvelle génération… Tout cela importe peu.
Plutôt que de réfléchir à un autre business possible (les revenus numériques d’Universal ont progressé en 2009… qui en a parlé ?), plutôt que de promouvoir une autre forme d’économie mélangeant stream, concert et merchandising (cf. ma réflexion ici), ils ont préféré refermer la porte du pied comme pour éviter le courant d’air.
Ça a commencé comme ça, dans ma réflexion de Padawan. Une législation liberticide a interdit la remise en question. La crainte de licenciement, l’image de l’artiste sonnant à la porte de Mécène pour quémander son panier d’artiste a eu raison de la réflexion globale, innovante, différenciée.
Puis il y eut les pédophiles, les jeux vidéos violents et les petits n’enfants qui risquent de tomber sur les bites de Chatroulette, les vilains mafiosos aussi qui polluent la planète et droguent les fils de bonne famille… Loin de moi l’idée de cautionner pédophilie ou mafia. Loin de moi l’idée de tenir un discours tout rose quant à internet. Mais de la crainte naquit le vote de Loppsi.
Je n’ai pas envie que ma progéniture se fasse alpaguer par un pédophile sur MSN. Je n’ai pas envie qu’un guignol squatte ma page Facebook ou se mette à vendre du Viagra via mon blog (il l’a déjà fait le bougre). Pourtant je m’insurge contre le relatif manque d’implication de la population contre Loppsi. Ces mêmes gens qui s’insurgent contre les teubs sur Chatroulette et qui n’ont aucun scrupule à laisser des bouts de chou de moins de trois ans à de parfaits inconnus ou presque, appelés nounous agréées. Ces mêmes gens qui regardent nos chaînes nationales et ne détournent pas les chastes yeux du JT où pleuvent les cadavres, ou des teasers de CSI plein de macchabées. Ces mêmes gens qui oublient que l’usurpation d’identité est déjà un délit pénal, que la pédophilie est déjà condamnée et qu’on peut aussi élever sa progéniture, à partir d’un certain âge, une fois qu’on a décidé ensemble de désactiver le logiciel de contrôle parental. Prendre le temps d’apprendre ce qu’est une e-réputation et quels sont les mécanismes des connards cachés derrière le web.
Ils ont voté Loppsi dans une indifférence quasi généralisée. Parce que Facebook c’est le mal et ça s’attaque à tes données privées. Parce que Google stocke tes données personnelles pour t’envoyer des pubs ciblées. Mais ils se moquent pas mal de savoir qu’il faudrait un « pas grand-chose » pour que les infos de la carte vitale soient reliées à un assureur ou qu’on utilise Navigo et puce de GSM pour savoir précisément où on se trouve. Pour un but largement moins coton que me fourguer des publicités liées aux services mobiles. Ils ont oublié que Facebook ne se nourrit que de ce qu’on lui donne et que c’est avant tout d’éducation aux nouveaux médias et à l’identité numérique dont les ados ont besoin, plutôt que d’interdiction au sens rétro du terme.
Parce qu’une loi et une interdiction c’est un écrit à double tranchant. Parce que si tu donnes une loi à un homme ,il sera protégé un jour, si tu l’éduques, il sera protégé toute sa vie…
Pendant ce temps, de l’autre côté des Alpes, Berlusconi usant des mêmes types d’armes a décidé de faire taire les webtv qui gênent un peu trop le discours lissé à grand frais de communication télévisuelle. Ils ont voté Loppsi et il n’y a plus qu’à espérer que jamais un gars comme Pétain (notez je ne dis pas Hitler pour ne pas atteindre le point Godwin) ne revienne en France et ne décide de valoriser le travail, la famille, la patrie ; quitte à éradiquer au nom de la morale, les activistes du web qui oseraient nuire à l’ordre public en instillant des idées perverties dans les jeunes cerveaux.
« #Merilest fou » es-tu en train de penser. Oui sans doute un peu. Heureusement que la France ne se met pas à repenser des discours d’identité nationale ou que l’Hexagone ne se mette pas à fustiger une partie de la population pour des notions de religion ou de port de casquette de travers… hein. Heureusement dites. Ok « #merjesuisfou » quand même.
L’Empire galactique marque le retour du règne Sith sur la galaxie, après celui de la démocratie sous la protection du Conseil Jedi. L’Empire est une formidable machine de guerre, associant un grand nombre de vaisseaux et une technologie importante. De nombreuses découvertes sont faites. Cependant, il y a quand même un point noir sur le plan social ; l’Empire galactique a régressé par rapport à la République. En effet, c’est un empire xénophobe, qui privilégie les humains aux autres espèces de l’Univers. Les infractions à la loi sont rapidement suivies d’exécutions ou de sanctions très importantes. Son armée est composée de non-clones entraînés dans des mondes comme Carida.
Ils ont voté Loppsi. Puis on a annoncé l’iPad. Un gros iPhone en somme. Apple a annoncé l’iPad et les médias se sont engouffrés dans la brèche. Parce que quand même c’est hype un Steve Jobs. C’est un truc végétarien qui fourmille de bonnes idées, même après être revenu de chirurgie. Ils n’ont pas tout à fait tort les journalistes. Mais surtout ils se remettent à rêver. Enfin pas forcément le pigiste chargé de l’analyse technique de l’engin, non non. Son chef, et le chef de son chef. Et l’actionnaire qui investit depuis des années des ronds dans un truc qu’il a du mal à rentabiliser. Et son collègue du gouvernement qui subventionne chaque année un truc qui dit parfois du mal et ne rapporte pas toujours.
Apple a annoncé l’iPad et la presse s’est mise à rêver pour elle-même des modèles économiques de l’App Store. On pourra revendre des pages web comme on vendait jadis des journaux. On va pouvoir faire de l’Internet payant, ajouter de la valeur à nos rédactions, à tous ces fainéants qui composent nos rédactions. On va les appeler journalistes globaux. On les payera au papier et ce papier on le poussera sur tous les médias payants. One fits for all. Qu’importe si l’info qu’on relaie est strictement la même que celle du voisin branché lui aussi sur l’AFP, qu’importe si, de fait ,de journal d’opinion on est surtout devenu une entreprise avec un comptable et des comptes de résultats, des familles et des bouches à nourrir. L’App Store appliqué à la presse serait la panacée. Le Graal. Comme les copains des maisons de disques, on n’aura pas à se poser la question de notre valeur ajoutée, de notre mode de fonctionnement, de notre utilité ou du rôle de notre métier dans un monde qui va généralement plus vite que notre structure à l’ancienne. L’information va redevenir payante, youpiiiii les gens seront prêts à acheter le bousin et nous à repartir comme en 40 euh non, comme en 45. Restera juste à fustiger un peu ces cons de blogueurs et prédire leur mort annoncée. Ils l’ont déjà fait ? naaaaaaaaan
Depuis une semaine, Orange prétend qu’il y a Internet et Internet par Orange. Et tout le monde s’en fout. L’App Store a ouvert la voie. Défriché les réticences. Ben oui puisqu’il y a services mobiles et App Store. Puisqu’il y a Internet et Internet sur iPad, pourquoi n’y aurait-il pas aussi Internet et Internet par Orange. De l’Internet enrichi, selon la publicité de l’opérateur. De l’Internet qui donne envie de venir chez nous. Quoi Internet c’est neutre ? Ben non regarde, Apple a décidé qu’il n’y aurait pas de fille nue dans son internet propriétaire, et il n’y a pas de fille nue dans l’Internet par Apple. Oui quoi oui ok y’a le navigateur sur l’iPhone. Vous avez déjà fait le test ? Qui va encore sur le navigateur quand il a les applications idoines validées par Steve Jobs. Et puis quel navigateur d’abord ? Le navigateur Internet ou le navigateur Internet par Orange d’après Loppsi et filtré Hadopi.
Oiseau de mauvais augure, m’entends-je répondre. Placer Pétain dans une chronique est de mauvais goût. Tu sais bien que la France ne sera jamais une dictature. Regarde le tollé quand Le Pen est arrivé au second tour. Oui. Vous n’avez pas tort.
Le pire, c’est que ce que je crains le plus n’est pas un putsch dictatorial à la Palpatine, façon grand complot stellaire. C’est un putsch de démocratie économique. Quand nous serons bien mûrs. Quand nous aurons ré-appris à acheter le dernier Michel Sardou, à payer pour un DVD de film blockbuster, voire à repayer pour la catch up d’un film qui est déjà passé à la télévision… La dictature économique risque d’envoyer toute réflexion, toute réelle liberté d’expression, toute remise en question des modèle au rang des oubliettes de l’histoire contemporaine.
Quand Overblog ou OVH se sera mangé ses X procès pour mauvais contrôle des contenus publiés, vont-ils continuer à fournir un accès de base à tarif tout démocratique ? Quand on aura mis en cause le FAI pour le fichier illégal ou irrévérencieux passé par son réseau, quand la controverse ne sera plus possible donc plus génératrice de pages vues publicitaires ; leur modèle économique sera-t-il encore viable ? Sera-t-il économiquement intéressant de proposer des modèles démocratiques ou gratuits et publicitaires ?
Quand la France aura connu ces premiers procès retentissant liés au téléchargement illégal, les maisons de disques continueront-elles à nourrir Spotify et Deezer (qu’elles sucent au sang en ce moment en attendant des jours meilleurs) ? Quand il faudra payer pour lire Slate, Libé, Le Figaro ou Le Post, quand émettre un commentaire sur Rue89 sera payant est-ce qu’on aura encore un large panel de commentateurs représentés, un large choix de lecture d’opinion ou faudra-t-il se résoudre à l’économie et à la pensée d’une seule source? Quand il faudra systématiquement payer pour obtenir un contenu musical, voir un film ou une série américaine qui, à part les maffias et les marchands de disque dur, pourront encore enrichir leurs connaissances, développer leur créativité au vu de la diversité.
Quand il faudra additionner le coût de la VOD au jeu Playstation, quand ce coût viendra s’ajouter aux frais de stockage de photos sur le web, et à l’hébergement web, quand cette facture viendra s’enrichir de celle de l’internet ++ avec Orange et de l’accès au portail 3G++ de Vodafone… qui aura encore accès aux web, qui pourra encore poser une idée divergente, un avis, un concept qui ne soit pas d’abord filtré par l’accès au portefeuille et la possibilité de sortir les biffetons supplémentaires. Certaines entreprises mettront la clé sous la porte. D’autres se repenseront. Sans doute celles moins « mainstream » ou ciblant une niche. Celles capables de se réinventer rapidement (ce que n’ont pas su faire les industries culturelles pour info)
En quoi le net sera-t-il encore neutre, multiple, nourri de mille voix ? En quoi les entreprises de presse, les médias et les industries culturelles seront appelées à innover sous peine de mort poussée par une foule plurielle, consommatrice mais autrement.
Où naîtra la vraie réflexion, la pensée multiple opposée à la pensée unique validée par Loppsi et les gouvernements ? Où se diffuseront les étincelles de génie et les brasiers contestataires. Où sera-t-il possible de trouver le contraire du pire et de se former à ne pas se laisser berner par le pire au contraire ?
Hadopi, Loppsi, Ipad, ACTA, Patriot Act, lois italiennes, Internet et Internet par Orange se sont bousculés dans ma tête cette nuit au milieu d’un rêve de geek. J’ai entrevu l’ère digitale de demain qui ressemble presque à l’image que Korben en a faite. Pire encore, parce que chacun de ces éléments sera venu en loucedé, discrètement, à la faveur d’une faillite économique, d’un procès retentissant, d’une charge contre l’immoralité.
Petit à petit. Pas à pas et de démission publique en impression de ne pas être concerné. Derrière des hurlements de cabri sur telle ou telle trivialité du paysage politique. Tout se met en place pour un appauvrissement de l’offre gratuite, démocratique et le retour des anciennes pratiques économiques remodelées à l’usage du web. Après il ne reste plus que le passage d’un Aigle ou d’un Pétain du XXI e siècle pour que comme ça, gentiment de « rien à foutre » en WTF nous ayons nous-mêmes laissé se créer un nouveau monde policé et moraliste.
Reste à espérer que ce jour là la France des Lumières que j’ai toujours encensé se réveillera, mue par un commun intérêt (la liberté ? Le pouvoir d’achat ? La fin du capitalisme financier ?) et s’en ira prendre la bastille numérique. Ce jour là je ferai partie du corps brabançon et porterai sur la poitrine ma cocarde planétaire.
Le manque de liberté attise les rébellions, et bien que de nombreux systèmes n’osent pas combattre par peur des représailles de l’Armée impériale, un groupe de rebelles intrépides ose s’opposer à lui. Ils infligent beaucoup de pertes aux impériaux grâce à des techniques de guérilla.
@Emgenius
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Toutes mes références historiques sont tirées d’ici
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> Toutes les illustrations proviennent de la merveilleuse galerie Flickr Stormtroopers 365 de Stéfan
]]>L’analyse: Sur Internet, après la piraterie de titres, le Sampling et Mashup pourraient être le prochain casse-tête des ayants droits. Les outils de remix et de production sont désormais à la portée du grand public et le nombre de titres “mashupés” explose désormais.
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