Facebook, ou le crépuscule des geeks

Le 4 mars 2010

La société de l’information n’est plus l’apanage des geeks. Elle s’est sacrément massifiée. Elle est aujourd’hui peuplée de vrais gens, non-technophiles. Même au sein des blogs, les geeks sont devenus une minorité et l’élite blogueuse geint de l’envahissement du péquin moyen et de ses réactions de comptoir. Il va falloir s’y faire.

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Ces dernières semaines, nous avons assisté à un petit événement lourd de significations. En lançant Buzz, Google a surtout laissé à penser que Wave était un flop et Buzz, un recyclage. Buzz a toutes chances d’être aussi un flop, car ce que cette histoire raconte, c’est celle de la fin de la domination de la geekerie, au sens d’une certaine complexité technologique.
La société de l’information n’est plus l’apanage des geeks. Elle s’est sacrément massifiée. Elle est aujourd’hui peuplée de vrais gens, non-technophiles. Même au sein des blogs, les geeks sont devenus une minorité et l’élite blogueuse geint de l’envahissement du péquin moyen et de ses réactions de comptoir. Il va falloir s’y faire.

Oui, les outils de Google sont fantastiques, ils sont modulables et distribués et complexes. Ils correspondent en fait à un public éclairé, ou à des travailleurs de l’information soucieux de leur productivité. Vous me direz que c’est un marché, et c’est vrai, mais ce n’est pas le marché de masse de l’internaute de base, je devrai dire celui de l’outillage digital de Monsieur tout le monde.

Le gagnant de ce marché s’appelle Facebook. Pourquoi ? non pas parce que Facebook développe un rythme de croissance insolent, non pas par sa taille, mais par la position centrale qu’il a acquis dans les usages numériques.
Monsieur tout le monde cherche sur Google tous les jours, a l’email que lui a mis dans les pattes sont fournisseur d’accès et s’est inscrit (ou va s’inscrire) sur Facebook.

J’ai moi-même régulièrement cogné sur Facebook, raillant le caractère “bas niveau” des usages et son côté bon à tout faire et à ne rien faire. Mais c’est une réaction de professionnel soucieux de productivité, pas de dillétante. Aujourd’hui, je dois constater que c’est une force. Facebook est une commodité et du loisir, et il est simple d’emploi.
Ses conversations ne valent peut-être rien, mais elles existent, massivement. Son modèle conversationnel est en phase avec les usages sociaux qui sont la modernité, là où l’email est vieux, trop sérieux, administratif.

Facebook, c’est aussi de l’engagement, assez faible et avec des usages très encadrés, mais c’est de l’engagement quand même, et de l’engagement massif. Facebook est un réseau social, il devient chaque jour un peu plus une plateforme d’engagement. La professionalisation croissante de ses outils marketing en témoigne. Le retour en scène des applications aussi.

Facebook est mainstream. Et ils ne sont pas légions à prétendre l’être. Apple l’est aussi à travers iTunes. Tous les deux ont la qualité d’être très intégré dans la proposition et en même temps très fermé. Cela fait l’objet d’une critique récurrente, émanant des geeks, sauf que cela semble visiblement satisfaire très bien monsieur tout le monde, qui se fiche des APIs et des paillettes.

Je veux évidemment parler de Facebook Connect, qui est selon moi la grande victoire dont Facebook peut s’enorgueillir et qui lui permet de voir loin.

Quand cette technologie, qui permet notamment de se créer un compte à travers son profil Facebook, est sortie, nous étions à la fois excités et perplexes. Excités par l’opportunité simplificatrice que cela représentait. Perplexe car, à l’époque, il n’était pas du tout certain que les gens acceptent ça, qui plus est alors que venaient de se dérouler des révoltes d’utilisateurs par rapport à de changement des règles du jeu de Facebook.

Quelques deux ans plus tard, force est de constater que ça marche magnifiquement bien. Que chaque jour qui passe montre que cette facilité est transformée par des publics tout sauf geeks. Pendant ce temps, OpenSocial, sorti en même temps, n’affiche pas le même succès.

Twitter et Google répondent très bien à ce que les geeks demandent, mais ils ne réussissent pas à se placer au centre. Facebook a gagné la position du compte maître, celle de la clé par laquelle l’utilisateur lambda développe des services et des usages.

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En fait, Google partait de ce bon vieux principe que la base, c’est l’email. Facebook ne s’est pas construit sur la messagerie, mais sur l’outillage réseau personnel, l’outillage proximité pour être plus précis. C’est maintenant qu’il a une base installée d’utilisateur massive, maintenant qu’il capte presque 10% du trafic du web et presque autant de temps que nous le passions devant le 20h au siècle dernier, chaque jour, qu’il va se doter d’une (vraie) messagerie. Un outil périphérique en fait, certainement pour répondre aux attentes d’une population plus âgée et plus sensible à cet outil ancestral.

Facebook n’a pas la prétention d’imposer de la technologie, il apporte simplement, tant pour l’utilisateur que pour la marque, des outils simples pour travailler l’engagement et la connexion au réseau social. Zuckerberg avait fait son deuil de monétiser le social graph, la proximité personnelle. Il a réussi à en faire un terrain de jeu, il réussira peut-être à en faire un terreau de business. D’autant plus qu’il a enfin une machine rentable.

Sans doute que Facebook réussi dans une sorte de nivellement par le bas. Sans doute que c’est faible, pas bidouillable pour un sou, mais ça satisfait très bien monsieur Toutlemonde et madame Michu, tellement plus nombreux …


> Cet article a été initialement publié sur le blog de groupeReflect / Parole d’expert


> Illustration par kk+ et par libraryman
sur Flickr


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